RN vs. Reconquête !Quand Ménard tacle Zemmour, c’est l’hôpital qui se fout de la charité

Sur BFMTV lundi 11 avril, au lendemain des résultats du premier tour, Ménard affiche tout son mépris non seulement pour la main tendue de Zemmour, mais en profite pour le dénigrer. Il est de toute évidence nécessaire de lui rafraîchir la mémoire…

Cela a été dit à plusieurs reprises, la présence d’Eric Zemmour dans la campagne pour le premier tour des élections présidentielles a bien servi Marine Le Pen dans son processus de normalisation. En effet, elle lui a permis de pointer du doigt le Z comme « l’extrême droite » afin de faire oublier sa propre appartenance à cette famille politique ; de plus, les outrances du polémiste raciste ont donné du crédit à l’image « modérée » et responsable qu’elle a voulu présenter tout au long d’une campagne plutôt sobre, il faut l’admettre. On sait bien que cette modération n’est qu’en surface et que le programme du RN n’a pas bougé d’une ligne, que ce soit sur la question de la préférence nationale, de l’islamophobie ou de l’austérité imposée aux services publics. Mais qui lit les programmes ?
Pour le second tour, l’échec (relatif mais réel au vu des ambitions affichées) du candidat de Reconquête ! permet à Marine Le Pen et son entourage de poursuivre dans la voie de la stigmatisation sans risque. L’appel immédiat de Zemmour ou de Maréchal à voter pour elle ne fait que confirmer que le report des voix du premier sur la seconde est plus ou moins acquis, même sans contrepartie. L’effort de l’équipe de la candidate RN va probablement se concentrer sur l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et sur les abstentionnistes.

C’est dans ce cadre que s’est exprimé Robert Ménard, qui est l’un des rares partisans de l’union des droites à ne pas avoir céder aux sirènes zemmouriennes pour rester fidèle à Le Pen. Lundi 11 avril sur BFMTV, il a ainsi fustigé la « droite rabougrie, passéiste, qu’a fort bien incarnée Éric Zemmour ». Mais de qui se moque-t-il ?
Pour mémoire, en 2017, Robert Ménard avait fait des propositions au Front national et aux Républicains qu’aurait pu lui souffler le Zemmour de 2022 : rendre obligatoire la francisation des prénoms, ne pas renouveler de titres de séjour tant que le chômage ne serait pas en-dessous de 5%, réprimer plus sévèrement le « racisme anti-blanc », ouvrir des maisons de correction pour les mineurs délinquants…
Ménard salue aujourd’hui la politique de Marine Le Pen apparemment plus soucieuse de pouvoir d’achat que d’immigration : mais lui défendait alors la retraite à 65 ans, la suppression des 35 heures et de l’ISF, l’instauration d’un bouclier fiscal à hauteur de 40 % des revenus…

La même année, Ménard organise et préside un colloque sur le thème : « « Désislamiser l’Europe ! comprendre, agir ! », et un an plus tard il signe la pétition de soutien à Génération identitaire après l’occupation des locaux de SOS Méditerranée.
Sur BFM, Ménard reproche à Zemmour et ses soutiens « d’avoir dit tellement de conneries ». Pourtant, comme maire de Béziers, entre deux hommages à l’OAS, Ménard avait accueilli Eric Zemmour les bras ouverts dès 2014 pour « libérer la parole dans la ville » : Zemmour ne s’en prive pas alors, déclarant lors de son show à Béziers « il faut arrêter de penser qu’on ne doit pas déraper et penser la France telle qu’on la veut vraiment » sous l’œil ravi de Ménard. Par ailleurs, ils partagent l’un et l’autre le même « roman national » et une certaine réécriture de l’Histoire.

Le 18 octobre 2021, les deux se mettent en scène sous les micros et les caméras en train de se faire la bise à Béziers : Ménard conseille à son ami Eric de s’unir à Marine Le Pen, et se donne jusqu’à février pour y parvenir. À l’époque, il ne dénonce pas les outrances de Zemmour (Ménard a lui aussi été condamné en 2017 pour provocation à la haine et la discrimination avant d’être relaxé en 2018) mais simplement son ego.
Toujours sur BFMTV, Ménard s’adresse ainsi à Marion Maréchal et Eric Zemmour : « Vous pensiez quoi ? que vous incarniez la défense de la civilisation chrétienne ? Faut se calmer avec ces phrases qui ne veulent rien dire. » Mais en 2018, sa femme Emmanuelle lance « les amoureux de la France » avec des personnalités comme Julien Rochedy, Jean-Frédéric Poisson ou Nicolas Dupont-Aignan. Son but ?« Arracher notre pays à la désolation, au déclin, voire à la disparition. » Dans le genre style grandiloquent et décliniste, c’était pas mal non plus.

Élue députée, Emmanuelle Ménard avait carrément proposé de réécrire l’article premier de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’Etat par ces mots : « L’État français, fort de son héritage chrétien, assure la liberté de culte et la liberté de conscience ». Richard Vassakos, dans son ouvrage La Croisade de Robert Ménard (éditions libertalia), souligne de son côté que « le prosélytisme religieux et la confessionnalisation des cérémonies mémorielles deviennent de plus en plus prégnants sous la magistrature de Robert Ménard. »

Renier ses convictions, trahir ses amis : Robert Ménard ne sera peut-être pas le seul à agir ainsi pour tenter faire de faire oublier la véritable nature des idées du Rassemblement national, qui n’ont rien à envier sur le fond à celles d’Éric Zemmour. Mais cette modération de façade ne durera peut-être pas plus de 15 jours, et au-delà des grincements de dents des fans de Zemmour et du spectacle réjouissant de nationalistes se cassant du sucre sur le dos, il ne faut pas oublier la capacité des personnalités et des formations d’extrême droite à se rassembler. En cas de victoire de Marine Le Pen, et en dépit de leurs déclarations fracassantes passées sur son incapacité à gouverner, toutes celles et tous ceux qui avaient rejoint Zemmour pourraient bien lui apporter leur concours, sans que Le Pen n’y trouve rien à redire.

La Horde