Autodéfense populairePrésentation du Raccoon Kai- Antifa Boxing Club

Depuis maintenant 2 ans en région parisienne, le collectif « Raccoon Kai- Antifa Boxing Club » propose des entraînements de Muay-thaï, basés sur des valeurs inclusives d’auto-défense populaire. On a rencontré ses animateurs, et on leur a demandé de nous expliquer leur démarche.

Cette initiative a pour volonté de populariser la pratique alternative du sport de combat au prés de TOUTES personnes du milieu, avec l’idée d’en découdre avec les réflexes viriliste archaïques présent au sein de nos rangs.

L’origine

Au départ, on était juste un groupe de potes qui se réunissaient dans un jardin pour faire de la boxe. Mais déjà à cette époque, on avait dans l’idée de créer un jour un collectif de boxe populaire, un club qui serait ouvert aux camarades pour promouvoir l’autodéfense.
On a commencé en organisant des entraînements dans des parcs, en faisant des appels aux camarades sur les réseaux sociaux.

Quand il a commencé à faire froid, on a recherché un local, et on remercie les camarades des squats, d’abord l’Hypocrite, expulsé depuis, puis le Malaqueen, malheureusement en voie d’expulsion, de nous avoir ouvert leurs portes.

Les valeurs du club

On voulait vraiment faire un club ouvert à tou.te.s les camarades qui sont conscients du besoin de se défendre face aux menaces qui pèsent sur nos quotidiens et dans nos luttes. On ne veut pas créer une armée de chasseurs de fafs, d’autres le font, d’autres l’ont fait, d’autres le feront. On veut que chacun.e, quelque soit son niveau, puisse venir et progresser, et se sente plus à même de se défendre. 
Mais on pense aussi que la violence a trop longtemps été diabolisée par une partie de la gauche et laissée à l’apanage de l’extrême droite, principalement par ceux qui voudraient que l’on s’en défasse, soit la classe la plus consciente de ses intérêts, la bourgeoisie. Nous pensons que cela nous met en danger, et qu’il faut savoir lutter sur ce terrain aussi. L’État-Nation bourgeois a besoin de la violence pour s’imposer, nous ne devons pas lui en laisser le monopole.

Au delà de ça, on veut aussi promouvoir une organisation de classe, puisqu’on pense que seule notre classe sociale, consciente de ses intérêts, est à même de construire les conditions nécessaires à son émancipation sans compromissions. Concrètement, c’est pourquoi on a décidé que les entraînements seraient gratuits. Nous avons en outre la chance de pouvoir prêter protections, gants et protège-tibias, afin que même les camarades disposant de moyens financiers quasi nuls puissent nous rejoindre.
Nous avons aussi fait des entraînements improvisés avec des enfants dans nos quartiers et avons un projet d’entraînement avec des réfugiés afghans.

On a organisé plusieurs fois des collectes de fonds pour diverses associations en vendant des stickers, et plus récemment pour la caisse de grève en vendant des viennoiseries en manif. Bref, on essaye vraiment de s’inscrire dans les luttes en cours. 
Au niveau de la structure, on essaye d’être dans l’autogestion. De base, l’enseignement d’un sport aussi technique que la boxe thaï installe forcément un cadre hiérarchique professeur-élève, mais on essaye de se libérer de tout le folklore autour des sports de combat, très basé sur l’obéissance un peu aveugle à l’enseignant. On valorise la transmission des savoirs en incluant les plus confirmés dans l’enseignement aux
débutants. Le noyau dur des enseignants du club est constitué en partie de membres présents à la création il y a deux ans, mais aussi de nouveaux arrivants de l’an dernier.

Notre point de vue sur la place de la boxe et du sport au sein du mouvement antifa

Pour commencer, notre pratique ne s’inscrit pas seulement dans le mouvement antifa, mais s’adresse plus largement à notre camp social. Comme dit plus haut, nous ne sommes pas des chasseurs, même s’il nous arrive d’assurer le service d’ordre d’évènements menacés par les fafs.
Le sport c’est un sujet compliqué à gauche, parce que ça peut très vite flirter avec des dérives individualistes et bourgeoises ou carrément fascisantes, via le culte du corps et de la discipline ou le validisme, tout comme la boxe peut vite dériver vers du virilisme.

Nous, on pense qu’on peut quand même à gauche parler d’hygiène de vie et de forme physique. Encore une fois, on a pas vocation à créer une armée de soldats surentraînés, et pour la plupart nous sommes loin d’être des modèles d’autodiscipline. Mais on pense que tout n’est pas à jeter dans le modèle d’une vie saine et sportive, pour les personnes en ayant la capacité, bien évidemment. Là encore, on pense que ce n’est pas quelque chose dont il faut laisser le monopole à la droite. Nous aussi, nous avons le droit d’être en forme, de prendre soin de nous, de prendre soin de notre santé, sans être dans la recherche de la perfection, de la performance ou dans la compétition. Nous avons peut-être même cette chance supplémentaire à gauche de savoir également prendre soin les uns des autres. Le corps ne doit pas être vu comme une ressource qu’il faut exploiter à son maximum dans une quête individualiste, mais comme un allié qui nous accompagne tout au long de notre vie dans nos combats, personnels et militants.
De la même façon, nous pensons qu’on peut pratiquer un sport de combat, dans le cas présent la boxe thaï, sans partir dans des pratiques virilistes, sans encourager l’écrasement de l’autre, la concurrence, la compétition, sans glorifier la violence, mais sans la condamner non plus car elle est parfois nécessaire. Il s’agit avant tout d’apprendre à recevoir des coups, à en donner, à savoir neutraliser si nécessaire. Aujourd’hui les personnes racisé.e.s, queer, sexisé.e.s, sans papiers, nos camarades militant.e.s, etc sont la cible d’agresseurs engendrés par une société patriarcale, capitaliste et raciste, des institutions à la sphère intime. L’extrême droite puise ses forces dans un système qui domine les corps et les esprits, ce système l’utilise lui-même selon ses intérêts, étouffant jusqu’à la volonté de la combattre. Demain il faudra peut-être s’aventurer plus loin sur le chemin de la violence, l’extrême droite a de l’avance sur nous et il faut s’y préparer. La boxe, et l’autodéfense populaire en général, font parti des outils qui peuvent nous y aider."

Nous soutenir

En achetant nos stickers, en nous suivant sur Insta, en relayant nos initiatives, bien sûr. En nous rejoignant évidemment. Si vous avez des compétences en sports de combat et du temps à donner, on a toujours besoin d’aide pour les cours.

Aussi, on aimerait bien faire des cours en non-mixité, on avait un peu tenté l’expérience, mais ca nous demande déjà beaucoup d’investissement avec un entraînement par semaine, on cherche idéalement un.e enseignant.e qui ne soit pas un mec cis, forcément.

Le mot de la fin

Avec la montée en puissance de l’extrême droite, l’organisation de notre classe et une solidarité à toute épreuve sont plus que jamais indispensables à nos luttes. Cette solidarité doit aussi engendrer un narratif qui nous rend fier.e.s. Au roman national, à l’impérialisme et aux figures de Jules Ferry et Napoléon, opposons un héritage décolonial et Lalla Fatma N’Soumer, Fanon ou Öcalan. Au modèle patriarcal, opposons un féminisme radical, autonome et Valérie Solanas, Martha P.Johnson ou Commandante Ramona. Au capitalisme, au mythe de l’entreprenariat et à Steve Jobs, opposons la mise en commun, la solidarité de classe et Marx ou Luxembourg.
Face aux violences que le système de l’État-nation bourgeois nous fait subir, à nous prolétaires, racisé.es, sexisé.e, queers, nous nous devons solidarité et pas seulement en mots, nous nous devons surtout une solidarité en actes.

Raccoon boxing Club