Parents VigilantsL’abus d’école n’est pas dangereux pour la santé

Un article de Dalva sur le site mouais.org
On va pas se mentir, la coéducation a sacrément du plomb dans l’aile. C’est con car en tant qu’instit, après 20 ans en REP, j’y croyais vachement, mais j’avoue que là, on marche sur des œufs les collègues et moi dans nos relations avec les « parents vigilants » zemmouriens et leur accusations diverses et variées à l’égard du corps enseignant, accusé de pervertir les gosses. Fatigué…

parent vigilants

Je dois avouer que je ne l’avais pas vu venir… En REP les parents sont loin d’être de gros bourges de giga-droite et, vu les taux de participation aux élections, même locales, je n’ai pas le sentiment qu’ils et elles soient trop politisé·es. J’ai donc lu les articles sur les « parents vigilants » zemmouriens avec mon prisme habituel plus proche de l’étude sociologique que du mec qui sent venir le coup de boule de crâne rasé. Force est de constater que j’avais tort.

Deux jours après que j’ai affiché en salle des maîtresses quelques infos sur le sujet, une collègue est venue nous montrer un mot écrit par des parents d’élèves dans le cahier de liaison de leur fils. Un truc de trois pages alambiquées qui revenaient sur une séance d’anglais au cours de laquelle un album avait été lu. Shocking ! Les animaux de l’album étaient en sous-vêtements ! Pas des strings à paillettes ou des porte-jarretelles en dentelle, mais des bons vieux slibards à poche kangourou ou des panties de grand-mère. Bref, un album de maternelle avec des jolies couleurs, des zanimaux mignons tout plein et un éléphant à qui ont a volé son slip. De quoi travailler en anglais le vocabulaire des habits et celui de la jungle. Ça peut servir dans la vie…

Depuis, c’est un peu la jungle en folie à l’école, sauf que ce ne sont pas les panties qui volent mais bien les insultes et les accusations diverses et variées à l’égard du corps enseignant, accusé de pervertir les gosses avec des histoires choquantes.

Des parents qui ne lâchent pas l’affaire, demandent les fiches de préparation de la séance, des excuses et pourquoi pas cents balles et un Mars ! Le tout à coups de rendez-vous avec la directrice , de mots acerbes dans le cahier du gamin mais surtout de vidéos postées sur un réseau social chinois, dont on se rend rapidement compte qu’au delà d’une agressivité déplacée et ciblée, et d’un manque de recul (je n’ose écrire « de réflexion ») certain, elles relaient les appels des « parents vigilants » à infiltrer les conseils d’école en se présentant aux élections de parents d’élèves !

La vigilance faf à l’attaque

BIM ! Le voilà le coup de boule de FAF ! Comme au billard, en plusieurs bandes. Le nain facho à grandes oreilles fait passer ses idées par un mouvement qui n’affiche officiellement aucun lien avec lui, dans le but très clair d’infuser l’idéologie d’extrême droite au sein des conseils d’école ou des conseils d’administration des collèges et lycées. Tout ce discours nauséabond est relayé sur des réseaux de moins en moins sociaux et il semblerait que, comme disait Gaston Lagaffe : « Ce sont les modèles à croix gammée qui ont le plus de succès… chez les débiles ».

Jean Moucheboeuf, élu identitaire niçois et coordonnateur départemental de Reconquête ne s’en cache d’ailleurs pas. « L’objectif c’est de rentrer, d’agir de l’intérieur, d’identifier les problématiques de l’école, ça passe par l’enseignement du wokisme, l’enseignement LGBT, les prières islamiques. Le rôle premier de l’école est d’apprendre à parler français et à faire des maths » (1), prétend-il. Et puisque plus c’est gros plus ça passe, Moucheboeuf, responsable de Parents Vigilants à Nice, n’a même pas d’enfant !

Sur quel terreau prospère l’extrême droite ? Sur la connerie humaine globalement. Quand les parents polémistes en question, au cours de la discussion dans le bureau de la directrice, argumentent en disant : « On n’est pas des mammifères, quand même » (sic), je ne peux m’empêcher de me dire qu’on a encore du taf.

Ce pourquoi je suis là
Vingt ans en REP m’avaient plus ou moins préservés de ce genre de combat. J’ai toujours essayé d’exercer mon boulot avec passion, en me considérant autant comme un travailleur social que comme un enseignant (l’un n’empêche d’ailleurs pas l’autre). Pendant mes périodes de déprime je tentais de me consoler en me disant que j’étais à ma place avec ces gamin·es qui n’ont pas les codes de l’école, ces familles oscillant entre les difficultés de base et la grande détresse sociale. C’est sûr, je tiendrais pas trois jours à Cimiez ou à Mougins sans avoir envie d’aller glisser une ou deux lentilles, qu’à l’école on plante habituellement dans du coton, entre la valve et le bouchon d’un pneu de 4×4 pour voir si ça germe aussi à cet endroit…

Mon combat il est là, auprès de ces gosses en galère, de ces mamans solos ou si mal accompagnées qu’elles ne dorment pas plus de quelques heures par nuit, entre le boulot du soir et celui du matin. Auprès de ces papas qui triment sur un chantier pour payer le séjour en classe découverte avec fierté.

Déjà qu’il fallait lutter contre les idées d’extrême-droite avec nos politiciens locaux qui n’ont plus de républicains que l’initiale (de plus en plus partagée avec un certain rassemblement nationaliste), mais là si les parents s’y mettent, j’avoue que ça va commencer à devenir compliqué.

Qui n’attaque pas l’École publique aujourd’hui ?
Je me pose la question. Les parents, notre hiérarchie qui ne les reçoit même pas ni ne répond à nos appels à l’aide, le ministre, les terroristes de tous bords. Tout le monde y va de sa petite banderille. Déposer plainte contre des vidéos postées sur un réseau social dégénéré et ciblant l’école et ses enseignant·es, c’est pas notre boulot. Porter des brassards noirs et faire des minutes de silence non plus.

L’envie me vient souvent, ces derniers temps, de fuir ce monde. De me terrer chez moi avec ma compagne, nos gosses, les chats, du pinard et des bouquins. De lire de la poésie en discutant le soir, sous la lampe basse de la cuisine. Bien à l’abri de la connerie humaine. Et puis je finis toujours par me dire que les enfants d’aujourd’hui étant les parents de demain, si je veux qu’en tant que mammifères ils et elles apprennent à s’aimer les un·es les autres, j’ai peut-être un petit rôle à jouer. Alors je me lève le matin et je retourne en classe. Fatigué…

par Dalva

Source: Un article du site d’infos mouais.org