RépressionNon-lieu pour Antonin Bernanos dans l’affaire l’opposant à des militants des Zouaves Paris et de Génération Identitaire : à quoi, ou à qui sert la justice ?

Lu sur le facebook de l’Action Antifasciste Paris Banlieue. Depuis 2019 la justice poursuivait certains de leurs militants sur la base de calomnies des militants d’extrême droite, qui ont mené Antonin Bernanos en détention puis en assignation à résidence avec contrôle judiciaire. 4 ans après les faits, un non lieu est rendu : de quoi interroger le rôle répressif joué par la justice dans cette affaire.

Non-lieu pour Antonin Bernanos dans l’affaire l’opposant à des militants des Zouaves Paris et de Génération Identitaire : à quoi, ou à qui sert la justice ?

Dans le dossier qui oppose depuis 2019 des militants néonazis issus des Zouaves Paris et Génération identitaire, du côté des plaignants, et des militants antifascistes parisiens, du côté des accusés, la juge d’instruction Cécile Meyer-Fabre, fraichement nommée après le départ de Sabine Kheris vers d’autres instances, a décidé d’ordonner un non-lieu pour Antonin Bernanos. Le parquet a décidé de ne pas faire appel.

Pour rappel, le 16 avril 2019 plusieurs militant.e.s antifascistes sont arrêtés, suite à une rixe avec des néonazis qui s’en prenaient aux arabes qu’ils croisaient le soir de l’incendie de Notre-Dame. Cet affrontement intervenait dans un moment tout sauf anodin : le mouvement des gilets jaunes, au cours duquel l’antifascisme autonome a fait sa part pour chasser les fascistes qui tentaient d’infiltrer la mobilisation, notamment les esquisses de service d’ordre constituées lors des journées parisiennes, et surtout pour soutenir et contribuer à ce qui demeure comme l’un des mouvements de remise en cause de l’ordre établi les plus avancés des dernières années à l’échelle européenne.

Parmi les mis en examen, Antonin Bernanos est le seul placé en détention, malgré le fait que les policiers et la juge d’instruction admettent qu’il n’apparait dans aucune des vidéos de surveillance exploitées pour l’enquête. Le seul élément à charge est le témoignage d’Antoine Oziol de Pignol, néo-nazi notoire, membre du KOP Boulogne, de Génération Identitaire, proche des Zouaves Paris, plaignant, qui affirme reconnaître « celui du Quai de Valmy », sans jamais parvenir à expliquer son rôle. Élément troublant : Antonin lui a été présenté lors d’une parade d’identification sauvage, totalement illégale, juste avant sa déposition. Depuis le 16 avril 2019, Antoine Oziol de Pignol a refusé toutes les demandes de confrontation, envoyant simplement son avocat plaider la maintenue d’Antonin en détention.

Six mois de prison, 2 ans d’assignation à résidence dans une zone extrêmement réduite de Loire-Atlantique, un an de contrôle judiciaire contraignant après, Antonin bénéficie finalement d’un non-lieu. Parce qu’il n’apparaît pas sur les images, parce qu’Oziol de Pignol n’ose pas se présenter pour réitérer ses mensonges, parce que les affirmations des policiers selon lesquelles Antonin aurait eu du sang sur ses habits ou ses mains sont systématiquement démenties.

Arrivés à ce point deux attitudes sont possibles. On pourrait se dire que, comme dans un beau film hollywoodien, la vérité finit toujours par triompher. Et les innocents de marcher libres, après que la justice a procédé à la nécessaire autocritique qui convient à toute démocratie digne de ce nom.

Ou l’on peut s’interroger sur ce qui conduit des juges à mettre entre parenthèse pendant près de trois ans la vie d’un homme, en dépit de tout élément de preuve, en dépit de toute avancée de l’enquête. À se demander si tout ça ne serait pas lié à son militantisme conséquent contre la progression des idées fascistes, et les pratiques, groupusculaires et policières qui les accompagnent. Contre l’islamophobie, érigée ces jours-ci en doctrine d’État. Contre l’impérialisme, qui continue de semer la mort à travers le Sud global, et en premier lieu en Palestine occupée.

Comment ? Des juges, d’instruction, de liberté, de référé, du conseil d’État, au service de l’ordre établi ? Qui pourrait y croire ?

Sinon ceux qui se souviennent des milliers d’emprisonnés lors de comparutions immédiates ahurissantes lors des gilets jaunes. Sinon ceux qui ont vu la hargne qui présidait à l’embastillement des jeunes noirs et arabes qui ont eu l’outrecuidance de manifester leur horreur après l’assassinat de Nahel par des policiers l’été dernier. Sinon ceux qui se rappellent que des milliers de perquisitions de familles musulmanes et des interrogatoires de gosses de 6 ans ont été validés par des juges sous couvert de politique antiterroriste. Sinon celles et ceux qui se sont élevés à raison contre les dissolutions d’organisations antiracistes, interdites d’exister parce qu’elles osaient s’élever contre l’islamophobie, menacées parce qu’elles soutenaient un peu trop haut la lutte de libération nationale en Palestine.

Et quand bien même on se féliciterait de la récente suspension de la dissolution des Soulèvements de la Terre, rappelons-nous que ce n’est pas moins de 50 arrestations au sein des « milieux écologistes », menées par la Sdat et d’autres, qui ont été ordonnées par des juges le printemps dernier, avec la promesse que de nouvelles soient menées à l’automne. Que l’ampleur de la surveillance à laquelle est soumise le mouvement écologiste français est proprement effrayante.

On parle beaucoup, à raison, ces jours-ci de la radicalisation croissante du corps policier, de son autonomisation comme de son pouvoir sur les différents gouvernements. Mais on fait peu de cas de la radicalisation des magistrats, qui entérinent, alimentent, construisent des procédures iniques.

Les dissolutions, les interdictions de manifester, le matage des révoltes à coups de dossiers pourtant vides lors de comparutions immédiates, la surveillance généralisée tout comme les procédures judiciaires qui interdisent de militer, menés ou validés par des juges, sont autant des moyens d’empêcher les gens de contester les politiques racistes, écocides et néolibérales menées actuellement.

C’est bien la responsabilité du corps judiciaire qu’il faut interroger dans le tournant autoritaire en cours. Et c’est fort de cette conviction que nous irons soutenir nos camarades encore mis en examen suite à la plainte d’Antoine Oziol de Pignol, militant néonazi, qui aime bien chasser les arabes, et écouté par les juges.

Source: https://www.facebook.com/AFAPB