Tribune CollectiveMédias indés : l’extrême droite menace le droit à l’information

Le SPPP (Syndicat de la Presse Pas Pareille) lance une alerte sur les agressions et les menaces dont sont victimes les médias indépendants. Dans cet article que nous reprenons du site Le Poing, iels affirment leur volonté de ne pas se laisser intimider par les groupes d’extrême droite.

Montage photo d’articles recensant les actions de l’extrême-droite contre les médias indépendants.

Le Syndicat de la Presse pas pareille alerte sur la montée des agressions et menaces venues de l’extrême droite nationaliste, et sur les risques que cela fait peser sur le travail des médias et journalistes indépendants visés par ces intimidations. L’impunité et l’aveuglement doivent cesser. Faute de quoi il sera très vite trop tard pour freiner la résistible ascension du fascisme qui vient.

Tandis que les « bons clients » des médias dominants arpentent les plateaux pour crier au monde les dangers que font peser sur lui le péril gauchiss’ et son lot terrifiant de soulèvement de terre, de petite sirène Noire et de cancel-mais-en-fait-non de Johnny Depp, les groupuscules de l’extrême-droite nationaliste(1), qui professent l’action violente au service d’une idéologique xénophobe inspirée par le fascisme et le nazisme, prospèrent.

Ces mouvements, répertoriés par le collectif antifasciste la Horde, sont plus d’une centaine. Certains d’entre eux ont récemment défilé, en toute impunité, à Paris et à Annecy. Comme l’a rapporté Mediapart en avril dernier, « depuis la candidature Zemmour, la violence d’extrême droite se déchaîne sur les universités » : « Tags racistes et xénophobes, menaces de mort, guets-apens et agressions d’étudiants… Des groupuscules […] sévissent de plus en plus souvent aux abords des facs, voire à l’intérieur ». Dans les rues, à Lyon, à Brest, partout, les agressions se multiplient. Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, a dû démissionner suite à des attaques liées à sa politique en faveur des personnes migrantes. De nombreux spectacles, conférences, rencontres, sont prises pour cible.

Les personnes racisées et/ou LGBT+ et les militant·e·s antiracistes sont évidemment, hélas, les plus concerné·e·s par ce déferlement de violence. Mais les journalistes indépendant·e·s que nous sommes – a fortiori quand nous appartenons aux catégories précédemment citées – en font également, et parfois brutalement, les frais.

Lors du défilé néo-nazi du 6 mai, le photographe de Mediapart a fait l’objet d’intimidations. Notre ami Alexander Samuel, lanceur d’alerte à l’origine des révélations sur le concert qui a suivi la manifestation, à Saint-Cyr, a également reçu des pressions. Insultes à caractère homophobe, avertissements à propos de « balle dans la tête », de « bombe dans la rédaction » : en février dernier, l’hebdo indépendant Breton Le Poher, qui avait rendu compte de la situation d’un village des Côtes-d’Armor où l’extrême droite s’oppose avec brutalité à l’accueil de réfugiés, a reçu de multiples menaces de morts. Plus récemment, suite à une enquête sur l’extrême-droite de Clermont-Ferrand, Mediacoop, qui a diffusé l’article, a lui aussi été menacé, et une camarade journaliste a vu son adresse et des données personnelles « fuiter » sur les réseaux de ces groupuscules. Elle est depuis sous protection.

Et rien ne va en s’améliorant. En ces heures où nombreux sont ceux, au pouvoir et dans les médias dominants, à juger plus dangereux le Black Bloc, les casserolades, les antifas et la NUPES que les nazis, et où la porte-parole d’un collectif – Némésis – ouvertement xénophobe peut venir causer politique avec un homme – Morandini – condamné pour « corruption de mineurs » sur la chaîne – Cnews – d’un milliardaire d’extrême-droite – Bolloré – accusé de corruption, le Syndicat de la Presse pas pareille juge donc urgent d’alerter sur les risques que ce contexte délétère fait peser sur notre métier, notamment dans le cadre de nos investigations.

La liberté d’informer est de plus en plus empêchée par les intimidations venues de l’extrême-droite. Et cependant, comme nous l’a rapporté une camarade ayant été confrontée à ces menaces, « la police m’a indiqué que le journaliste n’était pas une personne à protéger en priorité dans le code pénal. Intimider ou menacer un magistrat, les forces de l’ordre ou un élu de la république est pénalement répréhensible. Nous concernant, rien n’est écrit ».

Journalistes indépendants, libertaires, antiracistes, antifascistes, nous ne céderons jamais devant aucune agression ni aucune intimidation de l’extrême-droite nationaliste, et nous savons hélas à quoi nous en tenir avec un gouvernement qui a déjà fait part de sa passion autant pour la liberté de la presse que pour la lutte contre cette extrême-droite. Néanmoins, nous jugeons vital que le grand public soit tenu au courant des graves dangers qui pèsent sur ce service public indispensable qu’est le journalisme indépendant, et espérons que le pouvoir, plutôt que la nourrir, finisse par réaliser l’ampleur de cette menace. Et prenne des mesures qui aillent enfin dans le sens de la protection des cibles de ces groupuscules.

La dissolution de ces derniers, qui a lieu de temps à autre, n’est qu’un cache-misère qui ne les a jamais empêchés de se reformer ensuite, parfois plus virulents encore. La solution n’est donc pas forcément là. Selon nous, acteurs et actrices des médias, rien ne se fera sans une conscience claire et affirmée qu’il n’y aura jamais aucune équivalence entre fascisme et antifascisme, contrairement à ce que certains aimeraient nous faire croire. Ni sans l’application d’un cordon sanitaire dans l’espace médiatique, qui verrait par exemple l’ARCOM – ou une structure démocratique et populaire spécialement créée pour l’occasion- faire enfin respecter l’interdiction de tout discours de haine, de toute xénophobie, de toute apologie de la discrimination dans un débat public qui en est aujourd’hui saturé – avec les conséquences que l’on sait.

L’impunité et l’aveuglement doivent cesser. Faute de quoi il sera très vite trop tard pour freiner la résistible ascension du fascisme qui vient.

Les médias membres du Syndicat de la Presse Pas Pareille (SPPP)

Qui sommes-nous ? Le SPPP est un collectif de médias indépendants (Mouais, l’Empaillé, No Go Zone, l’Age de Faire, Le Chiffon, Primitivi…) dont l’initiative est issue des Assises intergalactiques de la presse libre, et dont l’assemblée constituante a eu lieu ce samedi 15 avril 2023 à Paris. Il se veut être « un syndicat de lutte pour la presse libre », et ouvert à tout média solidaire des luttes pour l’émancipation et indépendant de tout parti et/ou groupe financier.
Pour plus de détails : syndicatsppp@protonmail.com.

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(1) Nous n’utilisons sciemment pas le terme « ultra-droite », qui est celui des services de renseignement.