Les bus de campagne du RN sont-ils illégaux ?

Le Collectif Antifasciste de Besançon revient sur le caractère légal des bus de campagne du Rassemblement national :
Samedi matin sur France-Inter, une journaliste évoquait le fait que les frais liés à la douzaine de bus de campagne du RN ne seraient certainement pas remboursés par l’État (Commission nationale des comptes de campagne). Ce fut apparemment le cas lors d’autres campagnes électorales, car selon la Commission, les bus n’entrent dans « aucune case » prévue dans le code électoral et pourraient s’apparenter à de l’affichage sauvage.

La journaliste employa alors peut-être à tort (?) le terme d’illégal pour désigner ce type d’outil de propagande.

Ce n’est pas parce qu’il n’est pas répertorié dans les outils classiques de propagande qu’il en devient illégal.

Fouillons un peu la législation et on s’apercevra vite que plusieurs entorses à la loi sont flagrantes concernant les bus de campagne du RN…

De quel type de véhicules s’agit-il ?

Si le but est essentiellement de transporter des militants vers un congrès, ou une manifestation organisés par le RN, ce bus doit être considéré comme transport en commun et est soumis à l’ article L581-15 du code de l’environnement :
«  La publicité sur les véhicules terrestres, sur l’eau ou dans les airs peut être réglementée, subordonnée à autorisation ou interdite, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Toutefois, les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables à la publicité relative à l’activité exercée par le propriétaire ou l’usager d’un véhicule, sous réserve que ce véhicule ne soit pas utilisé ou équipé à des fins essentiellement publicitaires. »

Par exemple, le bus d’une équipe de foot sert en premier au transport de l’équipe, de son personnel technique, entraineurs, soigneurs, etc. La décoration du bus au couleur de l’équipe (donc sa publicité) n’est que secondaire. Il en va de même pour les camionnettes ou autres véhicules professionnels. Donc la publicité apposée sur ces véhicules n’est pas subordonnée à autorisation.

Par contre si la fonction des bus de campagne est de véhiculer les militants RN pour aller d’un lieu de tractage à un autre -les bus ne déplaçant pas plus d’une dizaine de militant-e-s à la fois, alors qu’un mini-bus aurait suffit – il ne s’agit plus de véhicules de transport en commun, mais bien de véhicules publicitaires. D’ailleurs le choix de la taille du bus n’est pas lié à un aspect pratique (ce sont des bus d’une contenance de 50 à 60 sièges environ) , mais correspond à une volonté d’en imposer, d’être le plus visible possible…ce qui est tout à fait logique pour un outil de campagne électorale.

Il s’agit donc bien d’un véhicule publicitaire.

Que dit la loi concernant les véhicules publicitaires ?

Il faut aller chercher dans le code de l’environnement, c’est lui qui gère tout ce qui est surface et autres moyens publicitaires sur l’espace public… (on peut aussi consulter Le guide pratique de la réglementation de la publicité extérieure).

Le bus de campagne est soumis à l’article R581-48 du code de l’environnement : Paragraphe 1 : Véhicules terrestres : (les parties concernées sont soulignées)
« Les véhicules terrestres utilisés ou équipés aux fins essentiellement de servir de support à de la publicité ou à des préenseignes ne peuvent stationner ou séjourner en des lieux où celles-ci sont visibles d’une voie ouverte à la circulation publique.

Ils ne peuvent ni circuler en convoi de deux ou plusieurs véhicules, ni à vitesse anormalement réduite.

En outre, ils ne peuvent pas circuler dans les lieux interdits à la publicité en application des articles L. 581-4 et L. 581-8. La surface totale des publicités apposées sur chaque véhicule ne peut excéder 12 mètres carrés.

Des dérogations à ces interdictions peuvent être accordées, à titre exceptionnel, par l’autorité de police à l’occasion de manifestations particulières.

La publicité lumineuse est interdite sur les véhicules terrestres »

Donc quand un bus du RN s’arrête comme il l’a fait à Besançon boulevard Général De Gaulle vendredi passé, il est en infraction.

De plus la surface totale de la carlingue et vitrage du bus concernée par la publicité dépasse largement les 12m² , seconde infraction.

Nota : Bien sûr, le RN a pu demander une dérogation. Ce qui peut être rapide dans certaines communes mais qui est plus compliqué dans des communes plus importantes possédant un RLP (un Plan Local de Publicité), ou en zone historique concernées par un PSMV (Plans de Sauvegarde et de Mise en Valeur) comme c’est le cas pour le centre historique de Besançon. Mais les délais imposés par l’administration nous semblent incompatibles avec le tempo qu’impose une campagne électorale. Nous avons donc un fort doute sur le fait que cette demande a été faite par le RN (mais nous avons peut être tort, allez savoir !)

Concernant l’utilisation des couleurs du drapeau national et de l’affichage électoral :

Concernant l’utilisation des trois couleurs du drapeau sur le matériel électoral (tracts, affiches, programmes…), il s’agissait jusqu’à peu d’une controverse récurrente durant les périodes électorales. Mais depuis décembre 2019, un nouveau décret allège les restrictions concernant l’utilisation de ces couleurs.

Article R27 du code électoral – Version en vigueur depuis le 01 janvier 2020 – Modifié par Décret n°2019-1494 du 27 décembre 2019 – art. 1
« Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique.

Les affiches doivent avoir une largeur maximale de 594 mm et une hauteur maximale de 841 mm. »

Donc la flamme tricolore du RN est autorisée, le logo de campagne de Marine Lepen (M la France) est lui aussi autorisé, …

…mais le bandeau bleu-blanc-rouge bien droit et bien large sur la partie avant du bus, de chaque coté, semble être totalement illégal : Encore une infraction.

De plus dans un esprit d’équité entre candidats, le législateur a fixé la dimension maximale du support de propagande traditionnel (l’affiche) à un format A1. La surface publicitaire (surface adhésive appelée covering, il s’agit d’un support imprimé qui est collé sur un support, comme une affiche papier) couvrant les flancs du bus semblent faire fi de cette obligation…. 4ème infraction.

Sur ces derniers points aucune dérogation n’est possible, ce qui conforte l’illégalité de ce type d’outil publicitaire lors d’une campagne électorale.

4 infractions constatées, 4 délits… étonnant pour un parti autant moralisateur que le RN !

Résumé graphique de ce qui s’est passé à Besançon Vendredi après-midi :

Conclusion

Si le RN ne dispose pas d’une autorisation de stationnement temporaire concernant un véhicule publicitaire hors norme, il est alors tout à fait autoriser (lors d’une mobilisation anti-RN par exemple) de demander au bus de campagne de « dégager ! » ou de « circuler ! » quand celui-ci pointe son pare-choc dans votre ville.

Source: https://cabesancon.wordpress.com/20...