SportLes arts martiaux et l’extrême droite

Cet texte, lu sur Ballast, est une traduction récente d’un article paru aux Etats-Unis en janvier 2021. Il propose un regard à la fois critique et original sur le rapport qu’entretient l’extrême droite aux arts martiaux et les sports de combat en général.

« Chez nous, il y a du Rassemblement national, des lesquenistes, de l’Action française, de la Dissidence française », explique un membre d’un groupuscule fasciste français à un journaliste du média d’investigation StreetPress. Le « combat libre » est une de leurs pratiques favorites. Il autorise tous les coups, où presque, et tolère tout type de blessure. D’autres militants fascistes français aiment à se retrouver dans des « stages » d’entraînement : « Au programme : boxe anglaise, muay thaï, lutte, grappling et MMA. » On y célèbre aussi le collaborateur Brasillach ou le bataillon nazi ukrainien Azov. De l’autre côté de l’océan, aux États-Unis, les arts martiaux mixtes (le MMA, donc) ont conquis un public plus nombreux que celui de la boxe ou du catch. Ils se sont dotés d’une ligue, l’UFC, dont l’un des plus proches sympathisants n’est autre que l’ancien président Donald Trump. Les arts martiaux historiques, très codifiés, promeuvent des codes moraux stricts — et ont pu faire office de pratiques émancipatrices ; il n’en est rien, bien sûr, de ces pratiques ultra-violentes en essor. Surtout lorsqu’elles influencent les pratiques des forces de police. La revue Jacobin en a retracé l’histoire — un texte signé Kurt Hollander, écrivain et photographe étasunien.

Les arts martiaux ont toujours été utilisés pour opprimer, de façon systémique, des nations et des peuples. Mais ils ont également joué un rôle déterminant dans la lutte contre cette oppression, en tant que moyen de défense pour les personnes qui n’avaient pas d’autre recours. Les arts martiaux asiatiques traditionnels, tels que le kung-fu, le judo, le karaté et le taekwondo, ont tous été imaginés comme des systèmes d’autodéfense pour les opprimés et ont été enseignés, à l’origine, comme des disciplines spirituelles. Bien que ces arts martiaux aient occupé une place dominante aux États-Unis et en Europe entre les années 1950 et la fin du XXe siècle, ils ont récemment été supplantés par des systèmes de combat ultra-agressifs, sur le ring et en dehors, venus d’autres régions du monde, dépouillés de tout élément spirituel et souvent alignés sur les positions les plus réactionnaires de la société. Ce n’est pas un hasard si certains des États contemporains les plus agressifs et répressifs, comme la Russie, Israël, le Brésil et les États-Unis, sont aussi les plus grands promoteurs de combats selon les règles du fighting systems [système de combat alliant les techniques de préhension et de percussion issues de différents sports, ndlr] et de tournois d’arts martiaux mixtes [mixed martial arts ou MMA, ndlr].

Les origines d’un sport sanglant

Après la Révolution russe, l’Union soviétique a commencé à former les forces d’élite de l’Armée rouge et les forces de l’ordre au sambo, une technique de combat à mains nues créée au début des années 1920 par le Commissariat du peuple aux affaires intérieures (NKVD), le ministère chargé de la police, des camps de travail et des prisons. Développé à partir des techniques les plus efficaces des autres arts martiaux, dont le judo et le ju-jitsu, le sambo est aujourd’hui encore enseigné à la police russe, aux brigades anti-émeutes, aux gardes-frontières, à la police secrète, au personnel des hôpitaux psychiatriques, aux militaires et aux commandos. Vladimir Poutine s’est entraîné au sambo et l’actuel champion du monde n’est autre que le président de la Mongolie.

Le krav-maga israélien, l’un des systèmes de combat les plus récents, intègre quant à lui des techniques issues de l’aïkido, de la boxe, de la lutte, du judo et du karaté, mais il s’en distingue en encourageant une agressivité poussée à l’extrême. En pratique, il s’agit de viser les yeux, le cou et la gorge, les organes génitaux ou le foie, et d’utiliser comme arme tout objet contondant à portée de main. Cet art martial mixte puise ses racines dans les combats de rue auxquels a pris part Imi Lichtenfeld, alors leader d’un groupe de boxeurs et de lutteurs juifs qui défendaient leurs quartiers contre les nazis dans les années 1930. Au cours de la décennie suivante, Lichtenfeld émigre en Palestine et commence à former les unités d’élite de l’organisation paramilitaire Haganah, devenue plus tard la branche des opérations spéciales des Forces de défense israéliennes. Pendant vingt ans, Lichtenfeld enseigne aux forces de sécurité israéliennes ce style de combat brutal, qui est aujourd’hui l’art martial officiel de la police et des forces militaires de l’État.

À la fin des années 1910, le Japonais Mitsuyo Maeda acquière une petite notoriété en pratiquant le judo dans des cirques du monde entier. Il intègre ensuite en tant que combattant de Vale Tudo — un combat de rue où tous les coups sont permis — un cirque italo-argentin au Brésil, appartenant en partie à l’impresario brésilien Gastao Gracie. En 1925, après avoir suivi l’enseignement de Maeda, le fils de Gastao, Carlos, inaugure la première académie de ju-jitsu du Brésil avec ses frères, donnant ainsi le jour à une véritable dynastie familiale. Lorsque les combats de Vale Tudo se normalisent et que des règles sont peu à peu définies, les Gracie y voient l’opportunité de faire naître un nouveau sport national. Ils commencent à organiser et à promouvoir ces combats, lançant le célèbre « Défi Gracie » : quiconque pensant pouvoir les battre est invité à monter sur le ring et à opposer son style d’arts martiaux à cette nouvelle discipline, appelée ju-jitsu brésilien, ou ju-jitsu Gracie. Cet art martial se passe des règles traditionnelles du judo ainsi que de sa philosophie bouddhiste, auxquelles il substitue la malícia et la malandragem — la malice et la ruse —, ce qui lui donne un avantage important au combat. Une fois arrivé en Amérique, le ju-jitsu brésilien commence à dominer tous les autres arts martiaux.

Quand une famille brésilienne introduit le MMA en Amérique

Rorion, le fils aîné d’Helio Gracie, quitte le Brésil pour Los Angeles en 1978. Il trouve tout d’abord du travail comme figurant dans des films et à la télévision. En 1987, il est recruté sur le tournage du film L’Arme Fatale pour apprendre à Mel Gibson comment se battre. L’année suivante, Rorion et ses frères, Rickson et Royler, ouvrent la première Gracie Ju Jitsu Academy en Californie. C’est là que l’aîné de la fratrie et un partenaire commercial conçoivent l’Ultimate Fighting Championship (UFC) : la première rencontre a lieu en 1993. Celle-ci est complètement dominée par Royce, le jeune frère de Rorion. Plus lourd et plus costaud que les autres combattants, Royce sait surtout exploiter leur manque de connaissances en matière de combat au sol. Il bat ainsi quatre de ses adversaires en une seule nuit. Son succès sur le ring suscite un énorme intérêt pour le ju-jitsu brésilien, aux États-Unis d’abord, puis au Japon.

Si aux cours des premières années, l’UFC est essentiellement un événement de Vale Tudo haut de gamme, qui ne s’embarrasse ni de limite de temps, ni d’arbitre, ni de catégories de poids — seules les morsures et les arrachages d’yeux sont interdits —, il s’est depuis développé pour devenir l’une des organisations sportives les plus puissantes de l’Histoire. En 1996, l’UFC fait néanmoins l’objet d’un examen public lorsque le sénateur John McCain visionne la vidéo d’un duel. Ce dernier qualifie l’affrontement de « combat de coqs humains » et lance une campagne visant à en interdire la pratique. Il réussit à faire adopter par trente-six États des lois interdisant les clubs de combat « sans limites ». Pour que l’UFC survive, elle doit devenir plus qu’un spectacle sanglant : elle doit s’imposer comme un sport. Dans un souci de respectabilité, l’UFC interdit alors l’arrachage de cheveux, l’hameçonnage (le fait de coincer les doigts dans la bouche ou le nez de l’adversaire et tirer), la manipulation des petites articulations, les coups de pied à la tête lorsque l’adversaire est au sol, les coups à l’arrière de la tête, les coups de tête et les coups à l’aine.

Avec Trump, l’UFC passe à la vitesse supérieure

Pourtant, même après avoir institué des règles, l’UFC a du mal à trouver les lieux adéquats pour organiser ses événements. Plus grave pour la franchise, les principaux médias refusent de couvrir les combats — et ce, jusqu’à ce que Donald Trump lui donne le coup de pouce dont la pratique avait désespérément besoin. En 2001, le futur président des États-Unis accueille un tournoi baptisé « Battle on the Boardwalk » dans son casino d’Atlantic City, le Taj Mahal. Cette décision unique donne enfin une légitimité au MMA et lui apporte la couverture médiatique qu’il attendait. Depuis, le président de l’UFC, Dana White, s’affiche comme un fidèle partisan de Trump : il a soutenu sa candidature à la présidence, a pris la parole lors de la Convention nationale républicaine de 2016 et a contribué plus récemment à hauteur d’un million de dollars à la campagne de réélection de Trump. Sur plusieurs plans, l’UFC s’est imposée comme une scène parfaite pour que Trump promeuve son programme politique. Le soutien de l’organisation contribue notamment à renforcer son image de « dur à cuire » auprès des fans de sport, en associant à son slogan « Make America Great Again » (MAGA) à une réputation de bare knuckle [le bare knuckle boxing est un type de boxe se pratiquant à mains nues, ndlr], comme en témoigne son tweet : « Entrer dans le Madison Square Garden hier soir avec @danawhite pour le grand combat du championnat @UFC, c’était un peu comme entrer dans un Trump Rally. Beaucoup de MAGA et de KAG [Keep America Great] étaient présents. »

La majorité des combattants de l’UFC venant des États-Unis, de Russie et du Brésil, l’organisation cultive depuis longtemps ses liens avec les dirigeants de ces pays — une aubaine pour la droite dure mondiale. Helio Gracie, l’un des fondateurs du Gracie Ju Jitsu, aurait appartenu au mouvement fasciste brésilien connu sous le nom d’Intégralisme — un lien avec l’extrême droite que la famille entretient encore aujourd’hui. En 2018, le président brésilien d’extrême droite, Jair Bolsonaro, a ainsi reçu une ceinture noire honorifique de Gracie Ju Jitsu. En retour, il a récemment nommé Renzo Gracie à la fonction publique d’ambassadeur du tourisme au Brésil. Renzo Gracie entretient également des liens étroits avec Ramzan Kadyrov, chef de la République tchétchène, accusé de violations généralisées des droits humains et d’avoir encouragé une purge anti-gay qui a fait plus d’une centaine de victimes en 2017. Ramzan est un mécène bien connu du MMA et possède même son propre club, dirigé par le commandant des forces spéciales de la police tchétchène et de sa sécurité personnelle.

L’agressivité encouragée dans l’UFC déborde souvent en dehors du ring. Renzo, comme d’autres membres de la famille Gracie, est aussi ouvertement homophobe, misogyne et xénophobe. Il a partagé des citations de dirigeants allemands nazis sur son compte Twitter, et a fait l’éloge à plusieurs reprises de la violence policière au Brésil ou de la violence exercée à l’encontre du mouvement Black Lives Matter aux États-Unis. En 2000, Roger Gracie et trois de ses partenaires d’entraînement de ju-jitsu ont été arrêté pour avoir tiré des balles en caoutchouc et des billes de peinture sur des travestis, un procédé adopté par les cohortes de partisans de Trump lors des manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd. Roger et d’autres membres du clan Gracie sont aussi connus pour avoir déclenché à maintes reprises des bagarres dans des bars et des clubs brésiliens et new-yorkais, ainsi que pour avoir attaqué et cherché à se venger des combattants qui les avaient vaincus. Toutefois, bien peu d’entre eux ont passé du temps en prison pour ces crimes. L’agressivité de la famille Gracie n’est pas simplement une question d’excès de testostérone et de stéroïdes : elle provient d’une profonde intolérance sociale et du sentiment selon lequel tout leur est dû — sentiment qui accompagne la maîtrise du combat à mains nues. Le Gracie Jiu Jitsu, qui a promu la malícia et la malandragem dans les arts martiaux, est une métaphore parfaite du style de Trump, de Bolsonaro et de Poutine : tous pratiquent une politique de Vale Tudo, où tous les coups sont permis.

Le MMA à Hollywood

Contrairement à Bruce Lee, Jackie Chan ou Jet Li, les combattants les plus appréciés du grand écran ne pratiquent plus, désormais, un art martial unique et reconnaissable. La plupart d’entre eux sont des acteurs hollywoodiens normaux — et non des pratiquants sportifs de longue date — qui ont simplement suivi une préparation suffisamment rigoureuse pour passer du statut de star de cinéma à celui de super-héros plus vrai que nature. Des acteurs comme Daniel Craig (James Bond), Tom Cruise (Collateral), Keanu Reeves (John Wick) et Liam Neeson (Taken) ont tous suivi un entraînement au krav-maga pour leurs films — des films qui comportent inévitablement leurs lots de cadavres et d’exécutions extrajudiciaires. À l’image de Batman et Daredevil, ces personnages sont des justiciers qui, outillés des dernières techniques de combat et d’un armement de pointe, travaillent en marge de la loi pour combattre le mal, rétablir l’ordre et la justice, et défendre l’honneur de leur pays contre les anarchistes et les étrangers.

Les films d’action à succès mettent également en scène de vrais combattants de MMA. Puisant dans toute une variété d’arts martiaux nés au XXe siècle, ces nouveaux héros de l’écran utilisent des techniques très agressives et n’hésitent pas à attaquer en premier : un choix crucial pour leur donner l’avantage sur leurs ennemis. Pour doper les audiences, le héros costumé a troqué le coup de poing ou le coup de pied circulaire contre un takedown brutal [ensemble de techniques pour amener l’adversaire au sol, ndlr], une torsion du poignet ou un étranglement.

Scott Adkin est peut-être le pratiquant d’art martiaux qui connaît le plus grand succès dans le cinéma contemporain. Il maîtrise près d’une douzaine de systèmes de combat différents, dont le krav-maga et le sambo. On l’a vu botter des fesses dans The Bourne Ultimatum et Ip Man, mais surtout dans la série des films Undisputed, où il tient l’un des rôles principaux. Il y incarne Boyka, un combattant russe contraint de participer à des tournois clandestins de MMA en prison. Si ces films ont consolidé sa carrière d’acteur, ils ont également servi de promotion mondiale pour le MMA clandestin, notamment en Russie où les combats sans merci sont particulièrement populaires et sanglants.

Aujourd’hui, de nombreux pratiquants d’arts martiaux accèdent à la notoriété lors des tournois organisés par l’UFC et font valoir leurs compétences pour devenir acteurs dans des films d’action. L’acteur russo-étasunien Oleg Nikolaevich Taktarov, qui a concouru et gagné lors des championnats de l’UFC (également ancien instructeur de combat à mains nues pour le KGB), a ainsi affiché ses talents de combattant dans Bad Boys 2, Air Force One, Den of Thieves et We Own the Night. Ce faisant, il a contribué à consolider une relation de plus en plus étroite entre l’UFC et Hollywood. Ce croisement de rêve entre le business des arts martiaux et celui des plateformes de divertissement ne relève pas du hasard. Endeavor Group Holdings, l’une des plus grandes agences de talents et de divertissement des États-Unis, possède plus de 50 % de l’UFC, mais aussi plusieurs concours de beauté : Miss Universe, Miss USA et Miss Teen USA, tous acquis en 2015 auprès de Donald Trump, qui reste proche de l’entreprise. Parmi leurs clients, ils comptent également Conor McGregor, de loin la plus grande star de l’UFC. Par l’intermédiaire d’Endeavor, l’UFC a obtenu que vingt-trois célébrités, dont les acteurs Ben Affleck, Sylvester Stallone et Mark Wahlberg, investissent dans le club, assurant ainsi une présence encore plus grande de l’UFC dans les productions cinématographiques à gros budget.

L’UFC, les forces armées et la police

En dehors d’Hollywood, l’UFC entretient depuis longtemps des liens étroits avec les forces armées américaines. Jusqu’en 2012, les US Marines représentaient l’un des plus gros sponsors des événements de l’UFC, investissant jusqu’à deux millions de dollars par an pour diffuser des publicités pendant les combats ainsi que pour pour la réalisation d’un site web commun, UFC-Marines, qui met en avant des vidéos d’entraînement au combat d’élite. Ce partenariat a pris fin lorsque l’armée américaine a décidé de ne plus sponsoriser certains sports professionnels, mais aussi en raison de plaintes concernant des commentaires homophobes et misogynes de la part des combattants et de l’encadrement de l’UFC. Néanmoins, l’UFC reste un outil de recrutement pour les forces armées américaines : elles parrainent certains combats de l’UFC sur des bases militaires (UFC : Fight for the Troops) et collaborent à des campagnes de promotion impliquant des combattants de l’UFC et des soldats d’élite, dans le cadre d’une « entreprise de recrutement de la force totale ». Parmi les combattants de l’UFC, on compte des dizaines d’anciens Marines et d’anciens membres des forces spéciales. Quelques autres, comme Tim Kennedy, un tireur d’élite des forces spéciales, ont combattu dans l’UFC alors qu’ils étaient encore en service.

À l’heure où les forces de police américaines sont de plus en plus militarisées, il n’est pas surprenant que les arts martiaux orientés vers le combat aient naturellement gagné une place au sein des officiers de police. Rorion Gracie raconte notamment qu’en 1994, un petit groupe de militaires de haut rang, issu de l’unité la plus élitiste des forces spéciales de l’armée étasunienne, lui a demandé de développer un cours spécifique de combat au corps à corps, basé sur le Gracie Jiu Jitsu. Le résultat ? Un cours nommé Gracie Combatives, dispensé aux forces spéciales de l’armée étasunienne, aux unités militaires conventionnelles et à la CIA. Un programme d’entraînement similaire a également été adopté par la plupart des forces de l’ordre étasuniennes. En résumé, que vous vous situiez dans les favelas noires de Rio, dans les territoires occupés de Palestine ou dans les rues d’une grande ville étasunienne, il y a de fortes chances qu’un officier de police formé au Gracie Jiu Jitsu, au krav-maga, au sambo russe, ou aux trois, soit à proximité.

On peut mesurer l’influence de ces arts martiaux aux États-Unis par l’utilisation de plus en plus fréquente des techniques d’étranglements par les forces de l’ordre étasuniennes. Également connues sous le nom de strangleholds ou de carotides sleepers, ces prises incarnent la technique de grappling [l’ensemble des techniques de contrôle, projection, immobilisation et soumission, ndlr] par excellence dans les combats de MMA. Couper l’afflux sanguin, effectuer un étranglement triangulaire ou un étranglement gi [avec la tenue de l’adversaire, nommée gi en ju-jitsu brésilien, ndlr] est couramment utilisé comme prise de soumission dans le krav-maga, le sambo et surtout dans le ju-jitsu de style Vale Tudo Gracie. Ces techniques constituent le moyen le plus courant de forcer un adversaire à se soumettre. Sur le ring, elles ont causé plusieurs décès dans le monde.

À la suite d’une série de décès, le département de police de Los Angeles a banni les techniques d’étranglement en 1980, suivi par tous les départements de police du pays au début des années 1990. Ces dernières années, l’augmentation du nombre de vidéos amateurs a toutefois mis en lumière les décès causés par ces techniques d’étranglement sur des suspects, en particulier des hommes noirs, et ont suscité une indignation publique croissante. À Minneapolis, où cette pratique était autorisée jusqu’en 2021, la police a utilisé des techniques d’étranglement sur des centaines de personnes l’année précédente, faisant perdre conscience à plusieurs dizaines d’entre elles, et tuant George Floyd, l’étincelle qui a déclenché les manifestations Black Lives Matter contre les violences policières.

À mesure que se multiplient les centres d’entraînement dédiés à ces sports de combats du XXe siècle, un nombre croissant de personnes est formé à ces pratiques ultra-brutales, certaines affichant même leur désir de déployer cette force dans la rue. L’hybridation entre le MMA, l’armée et la police ; l’armement accru de la population de droite aux États-Unis ; les appels de plus en plus fréquents lancés aux citoyens pour combattre le terrorisme intérieur : tout laisse présager un climat post-électoral d’affrontement total et sans limites. Comme ce fut le cas dans les années 1960 et 1970, les communautés marginalisées se radicalisent à chaque nouveau meurtre policier, à chaque attaque raciste. Pourtant, au lieu de s’entraîner au taekwondo, de s’armer ou de mener la lutte dans la rue, comme l’ont fait les Black Panthers en leur temps, les électeurs écœurés par Trump se sont rendus en nombre record aux urnes dans l’espoir de faire changer les choses. Reste à savoir si cela sera suffisant pour repousser les franges réactionnaires et ultra-agressives de la société.

Source: https://www.revue-ballast.fr/les-ar...