Lu sur Debunkers. Un immense travail d’information et d’analyse vient d’être réalisé par les Debunkers de hoax : il permet de dresser un panorama des extrêmes droites électoralistes en Europe, depuis 1995. Des arguments statistiques et analytiques pour illustrer la montée de l’extrême droite dont on parle si souvent. Nous reproduisons ici le préalable et l’analyse livrée, nous vous invitons à prendre connaissance de l’intégralité de ce travail sur leur site.

L’extrême droite est toujours bien présente en Europe. Oui, mais de quelle façon ?

Nous avons l’habitude de considérer qu’il existe des extrêmes droites, et sur notre continent, on trouve différents courants qui correspondent à des particularités dues à l’histoire. Nous allons donc regarder, pays par pays, qui fait l’extrême droite en Europe.

Cet article vient en complément au dossierles extrêmes droite disponible sur notre site.

Préalable
Commençons avec un peu d’histoire

Notre histoire européenne commune est marquée par un trauma collectif lié à l’apogée des régimes autoritaires et la guerre qui a suivi. Les fascistes ont entraîné le monde dans la guerre et en 1945, le continent est exsangue. Nous n’en avions pas fini avec le fascisme pour autant.

D’abord, il reste des régimes autoritaires : Salazar au Portugal, Franco en Espagne. Mais surtout, il y a le bloc de l’est. Jusqu’à 1989, l’Europe est coupée en deux par un grand mur.

9 novembre 1989, les berlinois font tomber le mur

Alors que les pays de l’ouest commencent à s’organiser (fondation de la CEE en 1957), la bête immonde survit. Au lendemain de la guerre, il a fallu composer avec un appareil techno largement composé de collabos et d’anciens fascistes. La défaite allemande ne marque pas la fin de l’extrême droite, elle va se recomposer au fur et à mesure des années.

À l’est

La Yougoslavie est un cas à part. Non affiliée à l’URSS, le pays tient bon gré mal gré jusqu’à la mort de Tito, puis le communisme dégénéré va mettre dix ans à mourir. C’était le ciment d’une fédération qui ne pouvait pas tenir plus longtemps. En 1991, la Slovénie et la Croatie prennent leur indépendance. Slobodan Milosevic veut assoir son autorité sur les autres territoires de la fédération yougoslaves. C’est la guerre en Europe, la première depuis 1945. Comme en 1914, c’est à Sarajevo qu’elle éclate.

Des tours jumelles en feu, symbole d’un changement d’époque. Sarajevo – 6 juin 1992

La Russie mettra des années pour se relever de la fin du bloc soviétique. La thérapie de choc imposée aux anciennes républiques socialistes va créer, en plus de terribles inégalités, un sentiment mitigé, mêlant une nostalgie tronquée et alimentant les nationalismes. L’impérialisme russe deviendra l’un des principaux soutiens des extrêmes droites européennes jusqu’à l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022.

Nous connaissons notre extrême droite française, ses collabos et anciens SS, Poujade, les négationnistes et Jean-Marie Le Pen. Regardons comment ça se passe dans les autres pays.

Nos choix

À partir de là, nous devons faire un choix : où commencer ? Comment délimiter ?

Le choix de l’année de départ

1945 aurait été un petit peu loin. Nous avons dont choisi 1995 pour plusieurs raisons :

Une année importante :
En 1995, Jean-Marie le Pen fait 15% aux présidentielles. Mais en Italie, c’est la dissolution du MSI qui va donner un coup de fouet à l’extrême droite nationaliste italienne, et en Hongrie, le Fidesz commence à changer de ton.
Un choix équilibré :
Dans le bloc de l’est, les partis ne sont vraiment autorisés qu’en 1991. En 1992, le traité de Maastricht va permettre la création des premiers partis européens. Il fallait également prendre le cour des évènements avant les deux moments clé, les attentats du 11 septembre et le retour de Jörg Haider aux affaires en 1999.

Délimiter l’espace

Maintenant que nous avons définit notre champ d’observation dans le temps, définissons le dans l’espace.

L’Europe, c’est déjà l’Union Européenne, soit 27 pays. Ce à quoi nous avons ajouté les pays candidats, soit 10 de plus. Il restait donc 4 pays qui avaient été candidat ou membre de l’Union Européenne : la Norvège, la Suisse, l’Islande et évidemment le Royaume Uni.

Enfin, malgré la présence dans notre liste du Liechtenstein, nous n’avons pas listé les micro-pays (Andorre, Saint Marin, Monaco…).

Comment qualifier l’extrême droite

Il ne restait que le choix du format.

Les extrêmes droites ont des points communs, c’est vrai. Mais comme rien n’est simple, les partis ne se ressemblent pas. Nous avons donc choisi de représenter le spectre le plus à droite du pays, populiste, nationaliste et xénophobe. Il y a évidemment tout un tas de groupuscules violents et hyper radicaux, parfois illégaux. Ici nous avons choisi de ne garder que les partis qui ont une existence politique par les élections.

Enfin, nous avons pris les scores aux législatives, plus représentatifs que les présidentielles en général. Comme rien n’est jamais simple, chaque pays a son mode de scrutin. On distingue tout de même des tendances générales aussi sur ce point.

LISTE PAR PAYS

[LIRE LA SUITE SUR LE SITE DES DEBUNKERS]

Analyse

Nous venons de voir ce que les extrêmes droites en Europe donnent pays par pays, puis au niveau du parlement européen. Nous allons voir quels enseignements en tirer.

Des tendances générales

Ethno-nationalisme contre nationalisme

Une fois le bloc de l’est démantelé, de nouvelles dynamiques nationalistes se sont imposées. L’irrédentisme s’impose dans plusieurs régions, des blocs s’imposent, et les extrêmes droites revendiquent : la serbe veut recréer la grande Yougoslavie autour de Belgrade, la turque a des visées impérialistes pan-turcs, les roumains veulent une grande Roumanie, les flamands veulent une unité flamande…

Le discours anti-islam trouve de plus en plus le grand remplacement comme référence intellectuelle.

Mais dans cette Europe, le nationalisme est un mot valise. En Espagne par exemple, l’extrême droite se veut unioniste quand les progressistes revendiquent plus d’autonomie régionale. Alors qu’en Irlande, les principaux partis sont nationalistes et unionistes. Tandis qu’en Ukraine, le nationalisme est la voie pour sortir de l’influence Russe.

Le nationalisme n’est pas toujours d’extrême droite, mais l’extrême droite est toujours nationaliste. Mais cette dernière est souvent ethno-nationaliste (à l’image de nos identitaires), avec des valeurs suprémacistes : droit du sang, langue et appartenance ethnique.

Des tendances dans le temps

Les crises boostent les populismes

Les années 2000 n’ont pas apporté les voitures volantes mais ont démarré avec un gigantesque attentat. La menace terroriste va conditionner les années suivantes.

En 2008, la crise des subprimes va avoir des conséquences terribles. La Grèce est à deux doigts de couler, mais pas seulement. Les effets de cette crise vont aussi servir de détonateur en Tunisie, puis dans le monde arabe. La suite, c’est une répression terrible en Syrie et un afflux de réfugiés.

Enfin en 2020, le monde est confiné et les états doivent prendre des décisions très fortes. L’opposition aux mesures sanitaires va galvaniser des partis populistes.

Sans surprises, les extrêmes droites ont exploité les inquiétudes liées à ces crises.

La corruption

Une des grandes dynamiques, particulièrement en Europe de l’est, c’est la dénonciation de la corruption. Nous l’avons vu en Roumanie et en Bulgarie, avec des partis populistes qui se sont nourris des mobilisations populaires. En particulier contre un parti comme le PS en Roumanie qui est inamovible depuis la chute de Caeucescu.

En 2017 en Roumanie, de nombreuses manifestations ont lieu conte la corruption.

On retrouve ce discours contre la corruption dans beaucoup de ces nouveaux partis attrape tout qui piochent dans les colères à la mode, contre les mesures sanitaires par exemple.

Les grands partis s’effondrent

Les pays d’Europe sont quasiment tous strucurés sur une opposition sociaux démocrates contre réformistes conservateurs. C’est la tendance dominante au parlement européen.

Mais on voit une double dynamique :

Les grands partis perdent du terrain. Pour des tas de raisons, les grands partis ont une certaine tendance à avoir du mal à se renouveler et à se diviser. Les gauches populaires (Syriza, Podémos) gagnent du terrain, tous comme les écologistes. Pour la droite, la dynamique est similaire, les vieux partis sont concurrencés par les populistes.
Les partis populistes de droite ont su proposer des discours racoleurs, nouveaux à défaut d’être modernes. Ces partis ont d’ailleurs du mal à durer dans le temps, ne reposant que sur des effets temporaires.

Le grand remplacement et autres fadaises

Les années 2000 ont commencé par un attentat commis par ce qu’il y a de plus radicaux comme islamistes à ce moment là. La décennie suivante est marquée par l’émergence de cette mouvance, un cran au dessus en terme de violence et de persécution avec Daesh. Conjugués avec les guerres américaines et les révolutions arabes (qui ont entraîné une décennie de crimes contre l’humanité dans la Syrie d’Assad avec l’aide de la Russie), ces évènements ont poussé des millions de gens sur les routes.

En 2010, Camus publie sa thèse du grand remplacement. En 2015, l’Allemagne accepte d’accueillir un million de réfugiés, c’est l’affaire du marché de Cologne. Cette même année, l’ONG SOS Méditérranée est créée. La crise des subprimes a frappé l’Europe (la Grèce notamment), mais aussi la Tunisie, par exemple, entraînant une hausse du prix des aliments et au bout, c’est la révolution.

Cette Europe de Pegida s’est nourrie de ces images de milliers de réfugiés (appelés migrants) arrivés à pied pour fuire la guerre, prophétisant un grand remplacement imaginaire et poussant les conservateurs à des mesures plus strictes qui ne facilitent pas l’accueil de ces personnes.

Des tendances dans l’espace

Les extrêmes droites sont aussi l’objet de dynamiques dans l’espace :

Bloc de l’est
Plus on se rapproche de la Russie, plus les partis d’extrême droite ont une ligne radicale vis à vis de la Russie. Les pays confrontés à l’impérialisme russe sont opposés (Ukraine, Géorgie), les autres fantasment sur la grande Russie.
Balkans
La Serbie concentre les tensions dans les Balkans. Tout le monde est nationaliste, mais ce mot prend une dimension différente selon la république.
Pays baltes
Les partis des trois pays se sont trouvés et ont signé la déclaration de Bauska. Mais la position de certains partis populistes vis à vis de la Russie pourrait faire bouger les lignes.
Scandinavie
Les partis populistes ont gagné du terrain, notamment en tablant sur le thème de l’immigration. Le cordon sanitaire n’est plus si inflexible.
Europe centrale
Les extrêmes droites voient les ingérences étrangères et la corruption comme la menace essentielle. Ils se calent sur le modèle hongrois ou polonais, bien qu’ils ne partagent pas le même avis sur la Russie ou les USA.
Europe de l’ouest
Les partis historiques se retrouvent en concurrence avec les partis populistes qui ont un discours anti-système qui balaie plus large.

L’importance de la Russie

D’un point de vue général, les partis d’extrême droite en Europe se positionnent par rapport aux puissances impérialistes. En règle général, ils proposent une lecture campiste de l’histoire, c’est à dire une version périmée à deux blocs.

Mais les américains ne sont pas les plus agressifs ces dernières années. S’ils ont financé largement toute tentative de déstabilisation du bloc soviétique, c’est la Russie qui a repris le flambeau ces dernières années.

Nous l’avons vu en France avec le prêt accordé par une banque russe au Front National de Marine Le Pen. Mais il semblerait que ça soit des partis à travers toute l’Europe qui ont touché des subsides du Kremlin, à hauteur de 300 millions d’euros. C’est également la logique d’un soft power via les médias Sputnik et Russia Today (interdits en 2022), ainsi que tous les relais de propagande sur le continent.

Le discours de Vladimir Poutine, ainsi que celui d’un Douguine, trouvent écho chez les partis d’extrême droite en Europe.

Mécanisme

La dynamique d’un parti, qu’il soit créé dans les années 1980 ou en 2017 suit le même schéma :

Fondation du parti
Une fusion, une refondation ou une colère populaire débouchent sur la création d’un parti politique, avec une ambition électorale.
La percée
Le parti finit par percer, que ça soit au bout de 20 ans ou pour sa première élection. Les résultats électoraux permettent un remboursement de la campagne ou une subvention. Le parti a une voix au parlement et peut influer sur la politique du pays.
La stabilisation…. ou pas
À partir de là le parti va se stabiliser et s’inscrire dans la durée. Ce n’est pas définitif, le risque pour un parti populiste qui a capté un électorat volatil est élevé, n’importe quel autre parti populiste peut venir le lui piquer.

Conclusion

Malgré toutes les nuances que nous avons apporté, il faut tout de même rappeler une chose essentielle : l’extrême droite progresse. Tous les partis ne voient pas leurs scores augmenter. Néanmoins, les idées propres à l’extrême droite infusent en Europe. L’offre est plus variée, mais d’un point de vue arithmétique, les idées réactionnaires grignotent à la fois la droite conservatrice et la gauche progressiste.

Nous pouvons observer des spécificités locales. En revanche, celles-ci s’intègrent dans des dynamiques régionales. En fin de compte, à l’échelle du continent, les idées conservatrices et libérales dominent les débats. Malgré tout, la peur de l’avenir et les crises successives sont un carburant pour les nationalismes violents et les populismes.

Source: https://www.debunkersdehoax.org/lex...