L’antifascisme, une lutte du passé ?

Ses détracteurs renvoient parfois l’antifascisme, avec une mauvaise foi évidente, à une interprétation étriquée de son étymologie : le "fascisme", du moins dans sa version historique, n’étant plus d’actualité, sa négation ("l’antifascisme") ne le serait pas davantage. Si la tentation existe peut-être pour certains d’interpréter la situation actuelle comme un revival des années trente, et donc de vouloir ressusciter l’antifascisme d’avant-guerre, ce n’est pas notre cas ; et ce d’autant moins que cet antifascisme historique, surtout dans sa conception social-démocrate, se distingue de l’antifascisme autonome que nous revendiquons.

Si la mémoire de nos luttes est une condition nécessaire aux combats d’aujourd’hui, cela ne doit pas nous faire l’économie d’un regard critique sur celles-ci, car ce n’est pas toujours dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. C’est pourtant ce que fait le plus souvent l’antifascisme républicain, qui reprend dans ses principes un certain antifascisme d’avant-guerre, parfois présenté comme l’Âge d’Or, et dont les caractéristiques sont les suivantes.

Avant les années 1930, les forces révolutionnaires refusent de reconnaître une autonomie politique au phénomène fasciste, considéré comme le stade final et nécessaire de la domination bourgeoise. Une fois le fascisme devenu incontournable, les sociaux-démocrates développent alors l’idée que, le socialisme étant la démocratie totale, la classe ouvrière doit soutenir la démocratie politique en place : face au fascisme, il faudrait avant tout renforcer la démocratie, et se contenter de réformer le Capital.

Cinquante ans plus tard, c’est sur ces bases que se construit l’antifascisme républicain qui fait du combat contre le fascisme une lutte pour la démocratie qui escamote la critique de l’État. C’est aussi un antifascisme moral qui fait de la démocratie pluraliste et de la dictature fasciste un Bien et un Mal absolu.

Pour affirmer notre distance à l’égard de cet antifascisme républicain et pour être capable d’analyser l’extrême droite dans toutes ses dimensions, nos positions sont très claires non seulement à l’égard du racisme d’un État qui expulse tous les jours mais aussi quant aux opérations répressives de l’État contre l’extrême droite. Pour mener un antifascisme digne de ce nom, il faut donc que sa fin et ses moyens soient clairement replacés dans un projet global de changement social.

Nous pensons que, lorsqu’elle est auto-organisée et autonome, la lutte antifasciste n’est pas qu’une lutte de résistance, mais une lutte émancipatrice, parce que nous nous donnons les moyens de résister au climat de peur que veulent instaurer les groupes d’extrême droite, et parce que nous proposons des alternatives en actes aux fausses solutions du discours nationaliste et raciste.
La Horde