Marion Maréchal a annoncé en début de semaine son retrait de la direction de l’ISSEP, qu’elle veut "apartisane" : mais c’est pourtant un militant d’extrême droite de longue date qui la remplace…

Marion Maréchal a annoncé en début de semaine son retrait de la direction de l’ISSEP, l’école qu’elle avait aidé à monter en 2018. Pour justifier ce départ, elle ose, dans le Figaro, affirmer que c’est en raison de son engagement à Reconquête, car elle serait « très attachée à l’indépendance de l’école, à sa dimension apartisane. » Le gag, c’est que son successeur, Thibaut Monnier, outre le fait qu’il est un ami très proche (il était même témoin à son mariage), a un parcours long comme le bras à l’extrême droite, et qu’il a lui-même des responsabilités nationales dans le parti d’Eric Zemmour !

Thibaut Monnier

Une histoire de famille

Né en 1987, Thibaut Jacky Guy Monnier, fils de Thierry Monnier, libraire spécialisé dans le militaria à Compiègne, a fait deux cursus distincts à Lyon III : l’un lié à la gestion de biens immobiliers à l’international, l’autre aux relations internationales et à la défense, complété à l’école militaire de Saint-Cyr (il est également sous-officier de réserve).
Parallèlement, il commence à s’engager politiquement, d’abord au début des années 2010 en fréquentant le Renouveau français, un groupuscule activiste national-catholique, avant de rejoindre le Front national : très vite, il se rapproche de Marion Maréchal, et on les voit souvent l’un à côté de l’autre.

En 2014, Monnier et Maréchal viennent soutenir les jeunes du FN.

Secrétaire départemental du Jura, il est ensuite choisi pour y être tête de liste pour les régionales de 2015. Cette même année, il se marie avec Mathilde Robert, qu’il a rencontrée au FN.

Monnier et Robert avec Jean-Marie Le Pen avant leur mariage, en 2014.
Mathilde et Thibaut étalent sans aucune pudeur leur bonheur tout frais sur le site de la fédération FN de la Loire.

Mathilde est la fille de Sophie Robert, militante FN depuis les années 1980, proche de Jean-Marie Le Pen, et longtemps responsable FN de la Loire avec d’autres catholiques militants comme Charles Perrot ou Gabriel de Peyrecave. Elle est surtout connue pour son activisme anti-avortement (elle est à l’origine du mouvement des Survivants).

Sur le site de la candidate FN Sophie Robert pour les élections municipales à Feurs en 2014, un soutien inconditionnel à la marche anti-avortement…

Notons au passage que sa gestion au sein de la fédération de la Loire n’a pas toujours fait l’unanimité, loin s’en faut.

De gauche à droite : Sophie Robert, Christophe Boudot, Marion Maréchal, Thibaut Monnier et Mathilde Robert.

Jugée trop proche de Marion Maréchal par les instances du RN avec qui elle a finalement pris ses distances l’an dernier, Sophie Robert est actuellement la directrice financière de l’ISSEP.
Mais revenons-en à son gendre. En 2016, c’est à la tête de la fédération de l’Isère que Thibaut Monnier poursuit sa carrière au Front national (il vient d’emménager à Vienne), remplaçant ainsi Mireille d’Ornano : cette dernière n’était plus en odeur de sainteté au FN, du fait de sa proximité trop affirmée avec Jean-Marie Le Pen [1], alors que sa fille Marine était en train d’y faire le ménage.

Mireille d’Ornano et Thibaut Monnier en 2016.

Monnier, très ambitieux, est également à l’époque conseiller régional de l’Allier, et prévient qu’il compte bien se présenter aux législatives de 2017, mais aussi aux élections à la Chambre de commerce et d’industrie.

Marion Maréchal n’est jamais bien loin…

Audace : les cons, ça ose tout

Parallèlement à cet engagement électoral et local au FN, Monnier, outre le fait qu’il défile ces années-là avec la Manif pour Tous [2] probablement avec belle-maman, va aussi se faire connaitre avec la création du collectif Audace.

Monnier n’a pas peur du ridicule. À gauche, avec ses copains d’Audace à Fréjus en 2014.

Au milieu des années 2010, sous l’impulsion de Marion Maréchal, alors à son zénith au sein du Front, deux structures sont montées pour attirer les petits patrons vers le FN : le Cercle Cardinal et le collectif Audace qui vise plus particulièrement les jeunes [3].

À voir la tête de certains membres d’Audace (ici en 2016), on voit que le mot "jeunes" est à prendre au sens large.

Le collectif Audace est ainsi co-fondé en 2013 par Thibaut Monnier et son ami Antoine Mellies, lui aussi dans l’immobilier.

Thibaut Monnier, Marine Le Pen et Antoine Mellies.

Ancien fan d’Alain Soral qu’on a pu apercevoir en 2009 aux côté de Dieudonné, Mellies rejoint le FN en 2010 après un passage par les Jeunes populaires : il intègre d’abord la direction du FNJ, la structure jeune du FN, en tant que directeur national du pôle formation-argumentaires, et en 2014, il est candidat pour le Rassemblement Bleu Marine à Givors ; quelques années plus tard, en 2018, selon Lyon Mag, il aurait tenté un « putsch » contre le président du groupe RN à la Région Auvergne-Rhône-Alpes : à en croire le témoignage d’un élu, il aurait les dents qui rayent le parquet… On veut bien le croire !
En novembre 2016, François-Louis de Voyer d’Argenson [4], alors président d’Audace, veut, avec Thibaut Monnier et Erik Tegner, mettre le collectif en ordre de bataille pour les élections municipales à venir, et s’émanciper un peu du FN. Le collectif, qui est rebaptisé « Cercle Audace », doit être « une sorte de laboratoire », regroupant « deux personnes rattachées aux Républicains, deux au Rassemblement national, un à Debout la France et un au Parti Chrétien-Démocrate, un avocat et un grand chef d’entreprise à la retraite ». Car l’un des objectifs d’Audace est déjà de rassembler toutes les droites, comme Reconquête ! prétend le faire aujourd’hui : c’est dans cette démarche que se comprend la participation ducercle à la Convention de la Droite en 2019.

Retour à l’école

Mais ce qui intéresse Monnier, c’est aussi la formation. En décembre 2017, il crée le confidentiel Institut Français de Formation, mais participe surtout à la création de l’école privée hors contrat voulue par Marion Maréchal, l’Institut de Sciences sociales économiques et politiques (ISSEP).

Monnier et Maréchal prennent la pose avec leur amis de l’ISSEP, dont Jacques de Guillebon, entre les deux.

Le projet a été annoncé tout au long de l’année 2018, avec un sens du teasing digne d’une agence de pub :
En janvier, Marion Maréchal-Le Pen dépose une marque pour un service de communication et de formation : "Idées’O » qui comportait un versant "Éducation ; formation » et proposait « l’organisation et la conduite de conférences ».
En février, dans Valeurs Actuelles, elle précise son projet : « une académie de sciences politiques […] libre et indépendante. Il ne s’agit pas d’un projet partisan ».
En mars, aux États-Unis, lors du Conservative Political Action Conference, elle explique devant un public clairsemé de partisans de Trump : « Notre combat ne doit pas être seulement électoral : nous devons diffuser nos idées dans les médias, la culture et l’éducation, afin de stopper la domination des libéraux et des socialistes. C’est pourquoi j’ai récemment lancé une école de management et de sciences politiques. Le but ? Former les chefs de demain. »
En mai, elle annonce la création de l’Institut des sciences sociales, économiques et politiques (ISSEP), qui doit ouvrir ses portes en septembre, et qui sera officiellement inauguré en juin.
Ainsi, dès l’origine, l’ISSEP tente de faire croire qu’elle est une structure non partisane : une déclaration d’intention fort peu crédible quand on examine la liste des membres fondateurs. Si Maréchal précise qu’elle assurera la direction générale de l’établissement, parmi les autres cadres à l’origine du projet, on trouve une belle brochette de personnalités d’extrême droite. Car Monnier n’est pas un cas isolé, loin de là. On pourrait en citer bien d’autres, mais en voici, pour les curieux, une petite sélection.

L’ISSEP, "apartisane" ? Ben voyons !

Quatre ans après cette ouverture en fanfare, avec moins d’une centaine de personnes « formées » chaque année en moyenne, le bilan éducatif de l’ISSEP est plutôt maigre. Pire, la dernière fois que l’école a eu les honneurs de la presse, c’était dans la rubrique des faits divers : en octobre 2021, une étudiante à l’ISSEP, violée par un membre de feu Génération Identitaire, a porté plainte pour harcèlement moral contre Thibaut Monnier (qui aurait cherché à la pousser au suicide), et Victoria Pourcher, la directrice administrative de l’établissement ; l’enquête est toujours en cours. Quant à l’agresseur, il organisait, selon l’étudiante, des soirées à la Traboule, le local des Identitaires lyonnais, en collaboration avec l’ISSEP. Or qui se trouvait à la réouverture de la Traboule en septembre 2020 ? Mathilde Robert, la femme de Thibaut Monnier ! Le monde est quand même petit… surtout celui de l’extrême droite radicale.
Quant à Thibaut, il a très logiquement lâché le RN pour rejoindre Eric Zemmour et son parti Reconquête : d’abord coordonnateur régional adjoint en Auvergne-Rhône-Alpes, il est désormais en charge de la direction des fédérations du parti sur tout le territoire.

Au RN, Monnier savait déjà choisir ses copains : entre le "félon" Bay et l’identitaire Vardon, sa route était toute tracée vers Zemmour…
Monnier et la fine équipe de Reconquête 38.

Nul doute qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui à la droite de la droite !

La Horde

Notes

[1Le 1er mai 2016, Mireille d’Ornano était place des Pyramides à Paris pour l’hommage à Jeanne d’Arc de Jean-Marie Le Pen, tandis que Marine Le Pen, pour éviter son père devenu encombrant, avait choisi une autre statue de la Pucelle, place Saint-Augustin. Ce choix délibéré du père contre la fille explique son éviction.

[2Il est même arrêté le 25 mai 2013 lors d’une des manifs homophobes sur les Champs-Élysées.

[3Notons que les deux structures ne sont donc pas concurrentes, mais complémentaires : la preuve, l’ancien du GUD Axel Loustau, qui contrôle Cardinal, était à la première réunion du collectif Audace à Fréjus

[4Pour l’anecdote, signalons qu’il a un aïeul célèbre, le marquis d’Argenson (1771-1842), surnommé "le Marquis Rouge" pour ses idéaux sociaux et égalitaires, qui fut maire des Ormes président du Conseil Général de la Vienne et préfet des Deux-Nèthes (Hollande) sous le Premier Empire. Mais de toute évidence, François-Louis ne suit guère les traces de son glorieux aîné : candidat FN aux législatives ds la 5ème circonscription de l’Aisne, il est signataires de l’appel des « 56 personnalités » pour l’arrêt des poursuites contre les 20 membres de Génération Identitaire qui ont occupés les locaux de l’asso SOS Méditerranée à Marseille.