Procès des meurtriers de ClémentJour 7 : qui était Clément Méric ? Ses proches témoignent

Au septième jour du procès, les débat se sont concentré sur Clément tel qu’il a été décrit par ses proches. Nous avons pu écouter ses parents, Agnès et Paul-Henri, puis Aude, sa compagne d’alors, se souvenir de lui et nous en faire un portrait à la fois vivant et émouvant, qui nous a permis de mesurer la perte qu’ils ont subie, et nous tou·tes aussi. Nous tenons à les remercier ici, car il n’était pas simple de venir parler, aussi bien, en s’exposant ainsi, avec dans leur dos les meurtriers de Clément et leurs avocats, qui, pour une fois, sont restés silencieux.

Ce que j’attends de ce procès, c’est le respect de cette mémoire. On connaît la vérité depuis longtemps, et on veut qu’elle soit dite, reconnue publiquement, y compris par les accusés, s’ils ont la force d’en avoir le courage, même si leurs conseils ne les encouragent pas dans cette voie. (Paul-Henri Méric)

Le témoignage d’Agnès

Après une lecture de l’enquête de personnalité réalisée sur Clément le 25 avril 2014 par Mme Asselatte, ce fut au tour de la mère de Clément de prendre la parole. Agnès, qui a demandé à ce que des photos de Clément soient projetées pendant qu’elle témoignera, commence par rappeler que Clément appartenait à une grande famille et qu’il a laissé après sa mort ses trois sœurs, ses grand-mères, ses oncles, ses tantes, ses cousins et cousines, en plus de tous ceux et toutes celles qui, de par leur engagement militant, ont été touchées par sa mort.

Elle évoque ensuite son enfance et son adolescence à Brest, jusqu’à son départ à Paris en septembre 2012 pour y faire ses études à Sciences-Po, son engagement politique précoce, qu’elle explique par une grande sensibilité à l’injustice, à l’inéquité ; Clément est porté par un idéal de société égalitaire, horizontale, de partage des richesses et de respect de l’environnement, sans rapports de domination. Il adhère aux idées communistes libertaires et à la CNT, participe à l’organisation d’actions et de concerts. À ce titre, il se revendique antifasciste, et de ses idées découle son éthique personnelle : il est végétarien et devient végan à son arrivée à Paris, sans pour autant être militant de ce point de vue-là.
Après avoir dépeint l’atmosphère familiale sereine, sans histoire, Agnès raconte la maladie de Clément, et comment après un traitement éprouvant il se remet et part poursuivre ses études à Paris (il a passé son bac et le concours d’entrée à l’IEP de Paris en dépit des chimios) ; elle rappelle qu’il est lucide sur l’école qu’il fréquente, sur le formatage des étudiant·e·s et cet entre soi qui y règne, mais il sait qu’il doit avancer dans ses études parallèlement auxquelles il continue son activité militante et décide de travailler chez Quick, pour soulager financièrement ses parents.

Agnès conclut en revenant sur le caractère de Clément : il ne cherchait pas à imposer son point de vue, il avait des idées nuancées, mais fermes sur certains points, en particulier lorsqu’il s’agissait d’attitudes racistes ou homophobes. Mais cela n’avait rien à voir avec de la haine, il est impossible qu’il ait dit que des skinheads néonazis ne devraient pas être vivants, il a dit que ce genre d’idées ne devrait pas exister.
Il avait un défaut : il était très sévère dans ses jugements. Il était piquant, il aimait titiller. Mais il était un peu timide et c’était sa façon d’entrer en relations avec les gens. Enfin, Agnès rappelle que Clément n’avait aucun goût, ni aptitude d’ailleurs, pour la violence.

Après ce témoignage, Agnès répond à quelques questions du président sur le caractère de Clément, et dans ses réponses se dessine quelqu’un de calme, réfléchi, ouvert à la discussion, qui voulait parler et convaincre l’autre de la validité de son point de vue. Lorsqu’une des jurées l’interroge sur la pratique de la boxe, Agnès parle de la volonté de Clément de pratiquer un sport populaire et de se muscler après sa maladie. Elle précise également que la boxe n’était pas un dérivatif ou un exutoire pour lui et qu’il n’y faisait d’ailleurs pas d’étincelles, ce que Paul-Henri complètera en mentionnant sa pratique du judo, enfant, où il était trop défensif pour exceller.
C’est ensuite au tour de l’avocat des parties civiles d’interroger Agnès : il est principalement question de la médiatisation de l’affaire et de la plainte que les parents ont déposée en 2014. Agnès raconte avoir découvert un monde inconnu, très nauséabond (sur Internet et les réseaux sociaux, principalement) et rappelle le t-shirt qu’a liké Da Fonsecca, parle des appels malveillants reçus en pleine nuit, dont l’auteur a été identifié et condamné. Elle ajoute que tout cela a recommencé lors du procès en première instance où Agnès, la présidente de la cour d’assises et la procureure ont été visées par des appels au meurtre et au viol. Clément lui avait parlé de ce monde, mais elle n’avait pas pris cela au sérieux.

Le témoignage de Paul-Henri

Plutôt que de faire une déclaration préalable, Paul-Henri préfère répondre aux questions qui lui sont adressées, et les premières lui sont posées par le président, particulièrement sur le Clément sorti du giron familial, tel qu’ils ont appris à le connaître après sa mort, par le biais de ses amis. Paul-Henri parle du sentiment qu’il a eu d’avoir compris pleinement la capacité de réflexion de son fils de même que sa maturité, même s’il n’était pas au courant de toutes les manifestations auxquelles il participait. Clément n’était pas devenu quelqu’un de différent, il avait grandi et il aurait eu beaucoup à partager. Et lorsque le président lui demande si l’engagement politique de Clément résultait de choix personnels ou familiaux, Paul-Henri répond en évoquant un environnement familial non pas militant, mais où les discussions et les débats philosophiques étaient fréquents. Lorsqu’il est question du caractère de Clément, dont le président demande s’il était bagarreur ou va-t-en guerre, Paul-Henri rappelle que la mémoire de Clément n’a pas été épargnée par la presse, et que cette construction médiatique leur a été insupportable.

C’est ensuite le tour de l’avocat des parties civiles d’évoquer, comme avec Agnès, la distorsion de l’information par les médias. Paul-Henri revient sur l’émotion suscitée par la mort de Clément : si certains ont été blessés par le caractère public conféré à sa mort, ce n’a pas été le cas des parents, car au départ, les éléments rapportés dans la presse dressaient le portrait d’une belle personne. Mais il y a eu un deuxième stade, quand, trois semaines après la mort de Clément, l’interprétation erronée de la vidéosurveillance de l’agression par RTL (bagarre générale avec un Clément provocateur) a provoqué une sorte de coup de théâtre, en dépit du démenti de la police judiciaire publié par Libération.

L’article mensonger de RTL : les images de la vidéosurveillance ne montrent que les pieds des protagonistes, mais la radio n’hésite pas à inventer un Clément "provocateur". L’article, aujourd’hui retiré, était en ligne sur le site de RTL au moins jusqu’en septembre 2020…

La diffusion par la suite sur France 2 d’une infographie allant dans ce sens a remis en cause et les faits et la personnalité de Clément, et a donné lieu immédiatement après à un emballement médiatique. Les effets ont été désastreux, y compris sur Morillo qui a été jusqu’à modifier sa description des faits (pour qu’ils soient en accord avec cette infographie).

Le témoignage d’Aude

Quand elle vient pour témoigner, Aude raconte son histoire avec Clément, avec beaucoup de pudeur et de calme. Elle revient sur Clément tel que ses parents n’ont pas pu le décrire, car il n’a vécu et milité à Paris que dix mois. Elle revient sur leur engagement militant commun, sur leurs déambulations dans Paris et leurs échanges. Elle parle du soin qu’il apporte à son apparence et à ses tenues, qui l’ont poussé à se rendre à cette vente privée et précise qu’elle n’était pas sur les lieux de l’agression mais qu’elle en a été avertie immédiatement par ceux qui étaient sur place et qu’elle s’est rendue à l’hôpital aussi vite qu’elle a pu.

Rassemblement en hommage à Clément, rue de Caumartin, le 7 juin 2013.

Elle évoque les heures passées à la Pitié-Salpêtrière, dans une ambiance très particulière, où personne ne parlait car la situation était inouïe. On n’aurait jamais pu imaginer qu’une telle chose puisse se produire. Elle dit cela pour répondre à une question du président au sujet d’Antonin Bernanos et de ses liens avec Clément, dont il était un ami très proche et à qui il voulait manifester son soutien, comme tous ceux et toutes celles qui sont venues ce soir-là.
Lorsqu’il est question de l’image d’un Clément bagarreur diffusée dans les médias, elle redit qu’elle l’a trouvée très choquante car cela ne correspondait absolument pas à la personne qu’elle a connue et aimée.

Elle acquiesce quand le président parle de ce retournement qui s’est opéré, visant à transformer la victime en agresseur : non seulement c’était totalement erroné, mais en plus c’était très violent pour ses proches, parce que complètement faux.
Enfin, lorsque l’avocat des parties civiles lui demande si elle croit aux vertus réparatrices du processus judiciaire, elle répond en disant qu’il s’agit de se rappeler qui était Clément, pas de tirer un trait sur ce qui s’est passé.
Ni l’avocat général, ni les avocats de la défense ne lui posent de questions, et l’audience est suspendue après cette matinée consacrée à la mémoire de Clément.
La Horde