Procès des meurtriers de ClémentJour 5 : Comme une insulte à la mémoire

Ce cinquième jour aura été l’occasion de voir comment les amis de Morillo et Dufour oublient tout dès que ça les arrange, jusqu’à leur propre engagement politique, sans plus de considération pour la mémoire de la victime, encouragés en cela par les avocats de la défense.

La matinée a été consacrée aux témoignages d’experts médicaux : elles furent très éprouvantes pour les proches de Clément, et nous préférons, par respect pour Clément, ne pas rentrer dans les détails. Mais à la fin de cette journée, la lecture du témoignage du dernier expert médical à avoir étudier l’état de Clément, et qui a recouru au scanner en 3D, a pu établir sans aucun doute que le nez de Clément avait bien été fracturé par le coup porté à son visage, que ce soit à mains nues ou avec un poing américain.

Le visage de Clément dont nous préférons nous souvenir…

Ce fut ensuite une après-midi particulièrement laborieuse, surtout du côté des avocats de la défense, qui ont essayé, comme ils le font depuis le début du procès, de dicter leurs réponses aux témoins. Ce fut une tâche assez aisée avec les deux amis de Dufour et Morillo, à savoir Stéphane Calzaghe (qui a bénéficié d’un non-lieu) et Simon Brunelière (qui n’a pas été mis en examen, étant arrivé après les faits), mais un peu moins avec l’ancienne compagne de Calzaghe, interrogée en visio et de ce fait moins malléable, peut-être aussi en raison de son caractère. La dernière témoin, sans aucun lien avec aucune des deux parties, a elle tenu tête à Triomphe et à Étrillard, refusant de voir piétiner ses souvenirs de la scène et surtout son souvenir de Clément, étendu au sol.

Brèves de comptoir

Le témoignage de Morgane Chouquet, barmaid de son état, a donné une image assez nette des décérébrés qui gravitaient autour de Serge Ayoub à Troisième Voie. Ayoub ? C’est « un gros taré » dit-elle, qu’elle n’aime pas voir son chéri de l’époque fréquenter. Mais lorsqu’elle affirme que c’était à lui de guider ces jeunes, on sent quand même qu’en dépit de toutes ses dénégations, elle était sûrement moins dépolitisée qu’elle le prétend, mais qu’elle n’apprécie pas les conséquences qu’a eu cette bagarre sur sa vie. Pour elle, Ayoub aurait dû être capable de les conseiller et il ne l’a pas fait, c’est son seul tort.
Il n’est plus question de la vie de Clément, brutalement interrompue, ni de remords qui auraient rongé son ex-compagnon, mais de ce pauvre Calzaghe qui voulait « profiter de la vie » ; elle évoque une affaire médiatisée et politisée à outrance, et qui leur a somme toute cassé les pieds. Tout ça fait longtemps, « ça commence à faire ». Tout se passe comme s’il n’y avait pas eu mort d’homme : la salle est frappée par la façon dont elle rapporte tout à elle, sans un mot pour les proches de Clément.

Troisième Voie, une mission humanitaire ?

Lorsque Calzaghe est appelé à la barre commence l’audition la plus laborieuse qu’on n’ait jamais entendue : il fait un très sommaire récit des faits, et semble avoir appris par cœur le récit de la bagarre qu’il répètera plusieurs fois mot pour mot lorsqu’il est questionné. Par la suite, aussi bien Triomphe qu’Étrillard répondent eux-mêmes aux questions qu’ils posent à Calzaghe, qui en est réduit à dire "oui", "non", "je ne m’en souviens pas".
Interrogé au sujet de l’idéologie et des pratiques de Troisième Voie et des JNR, il parle de « solidarité », de « parler avec les gens, de les aider, d’aider les femmes aussi », jamais d’apologie du nazisme ni même de racisme. Et lorsque l’avocat-général ironise en résumant sa pensée par l’expression « une association humanitaire, en somme », Triomphe s’emporte pour conclure : « on s’en fout ».

Les JNR en train de faire la quête pour les plus démunis.

Pour décrire le groupe de Clément et ses amis, il parle de « cinq personnes » (sic) disposées « en formation, en carré », et non pas adossés au mur comme le montre pourtant la caméra de surveillance. Étrillard utilise alors un schéma pour présenter cette fumeuse « formation en carré » citée par Calzaghe, expliquant doctement qu’il s’agit d’une technique de la Légion étrangère, sûrement pour présenter les antifascistes comme des militaires prêts au combat, mais on n’en saura pas plus.
Le président du tribunal l’interroge sur le sens du SMS envoyé par Calzaghe à Dufour : « Au moins, je sais que tu cognes :-). » : mais Calzaghe ne s’en souvient pas. Étrillard reprend la parole pour renchérir, citant le témoignage de Matthias… mais il est interrompu par un président goguenard qui lui lance : « Alors cette fois, il faut le croire ?! » La salle s’agite un peu, Étrillard joue les victimes : « Je sais que vous vous moquez de moi. » Il revendique l’unique coup porté par son client sur Matthias et lance un théâtral : « Il a porté un coup et il a pris sept ans. », déclenchant un tollé chez les avocats des parties civiles face à cette lecture erronée des motivations du jugement en première instance.

« Peu importe leurs idées puisqu’il y a l’amitié »

Le troisième témoin, Simon Brunelière, vient déposer pour relater son court passage sur les lieux de l’agression : alors qu’il ne se décrit pas comme skinhead jusqu’à l’évocation de ses tatouages (mais il aurait depuis pris ses distances avec le mouvement), il veut bien se souvenir de ce qui est noté dans ses procès verbaux d’interrogatoires de garde à vue (comme le t-shirt raciste de Dufour enfilé à l’envers au café de la rue de Mogador pour ne pas être reconnu) sans donner plus d’explication, mais il refuse d’incriminer Dufour et Morillo. Lorsque Triomphe puis Étrillard interviennent, c’est pour dire qu’on peut être skinhead et apolitique, mais pour notre part, nous connaissons trop bien ces skins « apolitiques » mais « patriotes », pas trop regardants sur leurs fréquentations… Comme toujours, l’un comme l’autre des deux avocats ont recours à des histoires passées sans lien avec l’affaire pour essayer une fois de plus de transformer les agresseurs en victimes. Brunelière se tient là, interloqué, il a parfois l’air de se demander où ils veulent en venir.

Les agresseurs clairement désignés

C’est enfin le tour de Mme Duclercq, qui ne fait cette fois-ci pas partie de la troupe des accusés, puisqu’elle recrutait au moment des faits, rue de Caumartin, des donateurs pour l’association AIDES. Elle est interrogée sur trois points en particulier : premièrement ce qu’elle a vu des coups portés (leur violence en particulier) et l’utilisation par l’un des agresseurs d’un poing américain, deuxièmement ce qu’elle a entendu dire par les agresseurs, troisièmement l’état de Clément après qu’il est tombé au sol.
Le témoignage qu’elle livre est plus assuré que ceux qu’on a entendus jusqu’à présent, malgré le temps écoulé, car elle se rappelle bien les impressions ressenties ce jour-là, sa certitude d’avoir identifié un groupe d’agresseurs aguerris, les skinheads, d’avoir vu le reflet métallique d’un poing américain ou de grosses bagues, d’avoir entendu quelqu’un crier "one shot !".
Elle affirme ne pas avoir été influencée par la presse (une des théories avancées par les deux avocats de la défense), et le réaffirme quand Triomphe essaie de lui faire dire qu’elle invente. Tandis qu’Étrillard ergote pour savoir si Morillo a le crâne rasé, dans le but de jeter le discrédit sur son témoignage et de l’embrouiller, elle reste droite et réitère son témoignage sur la violence extrême de l’agression. Étrillard perd contenance, s’énerve quand le président lui demande de se décider à poser une question, essaie d’insinuer que les amis de Clément l’ont influencée. Mais elle sait ce qu’elle a vu, elle ne semble pas prête de l’oublier.

Enfin, le président évoque le cas de Serge Ayoub, "introuvable" depuis huit ans, et dont il se demande si le témoignage est bien nécessaire : nous sommes éberlués par tant de résignation, mais pas vraiment surpris.

Serge Ayoub est introuvable pour la police, mais apparemment dans l’annuaire : un homonyme, sans doute…

Déjà en première instance, nous avions vu que la justice et la police ne mettaient pas beaucoup de zèle à faire comparaître cet individu, pourtant soi-disant très surveillé. Fallait-il s’en émouvoir parce que la justice et la police sont aveugles de l’œil droit ? Laissons à chacun·e le soin de se faire son idée. Nous avons appris ce matin que la police avait finalement fini par trouver Ayoub, qui comparaîtra jeudi matin.

Quoiqu’il en soit, les fachos ont la mémoire courte et veulent oublier ce qu’ils ont fait pour ne pas prendre leurs responsabilités, mais nous, et d’autres avec nous, des témoins aussi, sommes là pour leur rappeler ce qui s’est vraiment passé et ne pas laisser salir la mémoire de Clément.

La Horde