Procès des meurtriers de ClémentDocument : la feuille de motivation de la cour d’assises d’Evry

La feuille de motivation d’une cour d’assises présente ce qui a été discuté au cours des débats, et qui a constitué les principaux éléments à charge exposés par la cour et le jury au cours des délibérations, préalablement au vote sur les questions, et ayant conduit à déclarer les accusés coupables. Afin de couper court à toute désinformation sur le déroulement de ce second procès et de ce qui s’y est dit, nous vous proposons ce document public (mais pas si facile à se procurer), avec l’accord de la famille de Clément.

1) Sur les coups mortels aggravés commis au préjudice de Clément MERIC
Le lien direct existant entre le décès de Clément MERIC et les coups reçus, qui ont entraîné une perte de connaissance avant ou après sa chute ainsi qu’une hémorragie méningée et un œdème cérébral, possiblement aggravés par l’état antérieur de la victime, est apparu parfaitement caractérisé à la cour d’assises au vu de l’ensemble des expertises médicales réalisées au cours de l’information judiciaire et contradictoirement débattues à l’audience.
Il est par ailleurs à noter que l’ensemble des experts judiciaires ont relevé que Clément MERIC présentait entre trois et cinq traces de violences à la face (outre la plaie à l’occiput), ce qui n’est pas compatible avec les deux seuls coups de poing reconnus par Esteban MORILLO.

L’usage ou la menace d’une ou de deux armes de poing constituées par des « poings américains » apparaissent pareillement établi par les éléments suivants :
 le signalement par Matthias B. de la présence d’un poing américain dans le local de vente dans les effets personnels du groupe de Samuel DUFOUR, bien avant la commission des faits, ce dont a attesté l’un des vigiles du show-room au cours de l’audience
 le témoignage de Mathieu B., employé de la vente privée, ayant déclaré avoir vu Esteban MORILLO enfiler un poing américain (métal blanc argenté, de forme plate) sous le porche de l’immeuble avant de sortir et celui de Thomas L. confirmant ce même geste dans le groupe des skinheads au cours de la rixe
 le témoignage initial de Lydia DA FONSECA, compagne d’Alexandre EYRAUD, attestant de la présence d’une telle arme sous le porche
 les témoignages précis des passants Antoine G. et Patrice H., situés à quelques mètres de la rixe, sur la description d’un poing américain de forme non classique (plat, en métal argenté ou doré), corroborés par celui de Gaëlle D., également présente à proximité
 les premières déclarations d’Esteban MORILLO en garde à vue désignant Samuel DUFOUR comme ayant frappé avec un poing américain, lesquelles ont été confirmées par ses confidences à ses amis Simon B. et Cédric C. juste après les faits
 le SMS adressé par Samuel DUFOUR le soir-même des faits à Yann T. : « Salut, j’ai frappé avec ton poing américain », suivi de « ba, il est parti à l’hôpital » et « 5 contre 3 et on les a défoncé (sic) »
 les déclarations constantes de Matthias B. sur la présence de deux poings américains utilisés par Samuel DUFOUR et Esteban MORILLO
 les conclusions des expertises médicales, qui, si elles ne suffisent pas à caractériser l’existence de blessures provoquées par des poings américains, ne les excluent pas pour autant, le Docteur CHARLIER constatant pour sa part le caractère bien limité, régulier et arciforme de l’ecchymose jugale gauche sur le visage de Clément MERIC comme étant très évocateur de l’usage d’un instrument métallique de type « poing américain » (rapport d’expertise judiciaire lu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président)

La réunion de Samuel DUFOUR et Esteban MORILLO, agissant de manière concertée et à proximité l’un de l’autre, apparaît également caractérisée. Il est en outre acquis que la rixe s’est déroulée dans un même trait de temps, les uns se trouvant à proximité des autres, dans une scène unique de violence dans laquelle les positions ont varié en peu de temps du fait de la mobilité de tous les protagonistes, Samuel DUFOUR et Esteban MORILLO finissant par se retrouver tous deux face à Matthias B. comme l’a indiqué ce dernier et l’a confirmé l’un des témoins, Aurélia B. (témoignage lu en vertu du pouvoir discrétionnaire du président).

Ainsi, par son action conjointe et simultanée dans la rixe opposant plusieurs protagoniste et occasionnant plusieurs victimes, Samuel DUFOUR a facilité la commission des violences mortelles sur la personne de Clément MERIC, qui sont quant à elles principalement imputables à Esteban MORILLO.

La légitime défense
Si Esteban MORILLO et Samuel DUFOUR invoquent désormais la légitime défense de l’article 122-5 alinéa 1 du code pénal en prétendant avoir été provoqués dans le show-room, puis insultés et agressés dans la rue par le groupe de Clément MERIC, la cour d’assises n’a pas été convaincue de l’existence de cette cause d’irresponsabilité pénale pour les raisons suivantes :
 le départ concerté du groupe de Samuel DUFOUR et d’Esteban MORILLO dans la direction du groupe de Clément MERIC malgré la présence d’une station de métro dans l’autre sens, à proximité immédiate du lieu de la vente, conjugué au renvoi de Lydia DA FONSECA dans cette direction sans danger
 la préparation de la sortie par un armement de poing et l’appel à des renforts
 le brusque changement de direction opéré par Esteban MORILLO et Samuel DUFOUR à l’approche du groupe de Clément MERIC, attesté par Stéphane CALZAGHE
 l’exploitation de la vidéo-surveillance attestant que la rixe s’est exclusivement déroulée à proximité du mur d’enceinte du lycée Condorcet où étaient initialement demeurés immobiles les quatre étudiants, ce que confirme la position du corps de Clément MERIC au moment de sa chute
 le témoignage des passants susnommés, notamment Gaëlle D., relatant une violente agression par les skinheads contre le groupe de la victime
 l’absence de coups donnés par Clément MERIC à Esteban MORILLO ou Samuel DUFOUR
 l’usage, à tout le moins non proportionné, d’armes utilisées face à des individus non armés
 l’emploi de l’expression « one shot », entendue par trois témoins et l’ensemble des parties civiles, confortant un sentiment peu compatible avec une agression subie

En conséquence Esteban MORILLO et Samuel DUFOUR ont été déclarés coupables, à la majorité qualifiée de 8 voix au moins, de violences volontaires ayant entraîné la mort de Clément MERIC sans intention de la donner, aggravées par la réunion et l’usage ou la menace d’une arme.

2) Sur les violences volontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à 8 jours sur Matthias B. et Steve D., avec arme et en réunion

Matthias B. a déclaré avoir reçu des coups de poing américain de la part de Samuel DUFOUR et d’Esteban MORILLO, tout en expliquant être parvenu à les parer avec ses avant-bras. Les blessures constatées par les experts médicaux sur ce dernier et ayant entraîné une incapacité de 7 jours ne paraissent pas en effet compatibles avec des coups portés à mains nues, ce qui corrobore les déclarations de la partie civile. Si Samuel DUFOUR a bien reconnu avoir porté des coups à Matthias B. dans un affrontement réciproque, Esteban MORILLO a nié une telle confrontation avec ce dernier, laquelle a cependant été corroborée par Aurélia B. (cf. ci-avant).
Steve D. a pour sa part subi de la part d’Esteban MORILLO des violences ayant entraîné une incapacité de 3 jours. Esteban MORILLO a reconnu être l’auteur de ces violences. Ces dernières ont été facilitées par la présence de Samuel DUFOUR à ses côtés, dans une scène unique de violences comme indiqué ci-avant. Les même considérations déjà évoquées ci-avant ont conduit la cour d’assises à écarter la cause d’irresponsabilité pénale tirée de la légitime défense.

En conséquence Esteban MORILLO et Samuel DUFOUR ont été déclarés coupables, à la majorité qualifiée de 8 voix au moins, d’avoir commis des violences volontaires sur les personnes de Matthias B. et Steve D. ayant entraîné une incapacité inférieure à 8 jours, avec arme et en réunion.

3) Sur les violences volontaires aggravées sans incapacité commises au préjudice d’Aurélien B.

Il résulte des éléments de la procédure et des débats, y compris des propres déclarations de la partie civile, qu’Aurélien B. n’a pas reçu de coups de la part des deux accusés.
Ainsi Esteban MORILLO et Samuel DUFOUR ont-ils été déclarés non coupables de ces chefs de prévention.

Sur la peine :
Les principaux éléments, discutés au cours des débats, exposés au cours de la délibération prévue à l’article 362 du code de procédure pénale avant les votes à bulletins secrets et ayant convaincu la cour d’assises dans le choix des peines, sont les suivants :

Concernant Esteban MORILLO
La gravité des faits ayant conduit à la mort d’un jeune homme brillant de 18 ans, sur la voie publique, à une heure de grande fréquentation, pour un motif futile, à la suite de coups portés en réunion et avec usage ou menace d’une arme, a été prise en considération. Le prononcé, à la majorité absolue, d’une peine sévère de 8 ans d’emprisonnement est apparu justifié compte tenu de l’implication directe de l’accusé, considéré alors comme le plus agressif par les parties civiles et à cette époque adepte d’une idéologie malsaine faisant couramment appel à la violence. La cour a néanmoins relevé que l’accusé n’avait pas eu d’antécédents judiciaires à l’époque des faits, qu’il bénéficiait d’une bonne insertion professionnelle et que son évolution depuis les faits s’est apparemment révélée positive.

Concernant Samuel DUFOUR
La gravité des faits ayant conduit à la mort du jeune homme dans les conditions susvisées a été pareillement prise en considération. Le prononcé, à la majorité absolue, d’une peine de 5 ans d’emprisonnement est apparu adapté dès lors que, bien qu’étant exempt d’antécédents judiciaires et professionnellement inséré, et n’ayant saï s doute pas porte de coup direct à Clément MERIC, l’implication première de cet accusé dans la recherche des renforts (notamment à Esteban MORILLO), sa mauvaise appréciation d’une menace purement putative, puis sa participation agressive et armée aux violences aggravées ont facilité la commission de l’infraction criminelle.

A Evry-Courcouronnes, le 7 juin 2021, après report de la motivation en application de l’article 365-1 alinéa 4 du code de procédure pénale.

Le Premier Juré, Mario ALDORADIN
Le Président, Thierry FUSINA