Les Identitaires et le mythe de la dissolution, c’est une vieille histoire, car leur fondation en 2002 par l’ancienne équipe dirigeante d’Unité Radicale (UR) fait suite à la dissolution d’UR après la tentative d’assassinat sur Jacques Chirac par Maxime Brunerie le 14 juillet 2002. Car l’histoire des Identitaires commence bien en 2002, et non en 2012 comme les médias ne cessent de l’affirmer en répétant gentiment la fable des dirigeants de Génération Identitaire…

Génération Identitaire n’est que l’énième nom porté par le mouvement dit "les Identitaires" depuis sa naissance. Ils le reconnaissent eux-mêmes dans l’ouvrage Nous sommes la Génération Identitaire [1] publié en décembre 2012 pour le lancement du changement de nom. Génération Identitaire y affirme, dès la préface, qu’ils sont une « régénération » des précédents mouvements de jeunesse des Identitaires, à savoir les Jeunesses Identitaires et Une Autre Jeunesse.

Pour les observateurs qui n’auraient pas eu ce livre entre les mains, il y avait pourtant de nombreuses preuves que ce changement de nom n’était qu’une opération marketing [2] : Les éléments visuels comme la mise en page de support de communication, la continuité des revues, l’utilisation du symbole grec « lambda » et la présence de cadres communs aux deux mouvements comme Alban Ferrari ou Benoît Vardon-Raybaud (frère de Philippe Vardon) permettaient de se faire une petite idée de la véritable filiation de Génération Identitaire.

Des jeunesses identitaires des années 2000 à Génération identitaire des années 2010, on retrouve les mêmes logos, les mêmes couleurs, les mêmes slogans.

Depuis son lancement en septembre 2002 (sous le nom Jeunesses Identitaires), une menace d’interdiction pour reconstitution de ligue dissoute plane sur le mouvement. En effet, la plupart des cadres et dirigeants des Identitaires sont issus du mouvement Unité Radicale.

Dès l’annonce de la dissolution, une partie des dirigeants d’UR y voient l’occasion de donner enfin naissance à "une nouvelle force politique, tournée vers l’avenir, identitaire, sociale et européenne".

En réponse à cette menace, les Identitaires vont mettre en place des stratagèmes grossiers pour éviter de tomber sous le coup de la loi et pouvoir rebondir en cas de nouvelle dissolution. Tout d’abord, ils multiplient les associations (Les Identitaires, Jeunesses Identitaires, Bloc Identitaire, le label de musique Alternative-S, l’association Solidarité Kosovo, Paris Fierté…) en prenant soin de ne pas les déclarer dans les mêmes préfectures et avec des équipes dirigeantes différentes, à chaque fois pour éviter que plusieurs cadres d’Unité Radicale se retrouvent à la tête d’un même mouvement, ce qui aurait donné l’opportunité à l’Etat de les interdire.

Ainsi, Philippe Vardon se retrouve à la tête des Jeunesses Identitaires tandis que Fabrice Robert et Guillaume Luyt dirigent le Bloc Identitaire. Les groupes locaux sont également déclarés de façon indépendante : certains vont par la suite changer de nom à plusieurs reprises (JI Paris deviendra ainsi le Projet Apache), toujours dans cette logique de masquer de façon assez basique la filiation entre tous ces groupes et leur rattachement à l’ancienne équipe dirigeante d’Unité Radicale. Notons que si une bonne partie des cadres d’UR a participé à la fondation et l’animation des Identitaires, ils vont abandonner par stratégie politique et sans doute aussi par opportunisme, la ligne nationaliste-révolutionnaire qui était la leur et leur goût prononcé pour l’esthétique néofasciste. Ils vont opter pour un positionnement politique plus flou [3] et pouvant ratisser plus largement à l’extrême droite, voire à droite, en se concentrant uniquement sur les questions de l’immigration et la lutte contre l’islam.

D’un n°9 à l’autre : la revue des Identitaires en 2011, surtitrée "l’actualité de la résistance enracinée", devient ensuite celle de Génération identitaire, puis finalement change de nom en 2018, avec le même surtitre. On prend les mêmes, et on recommence !

Si cette menace a façonné en partie l’organisation structurelle du mouvement, les Identitaires ont toujours échappé à la dissolution.
Comme par exemple en 2005, quand Dominique de Villepin lance une série de dissolutions dans la mouvance d’extrême droite. Alors que des groupes fantômes ou qui n’avaient plus d’activité depuis des années comme les Elsass Korps (groupe de skins d’extrême droite basé en Alsace), vont être dissous, les Identitaires ne sont pas concernés.
Même chose en 2013 après la mort du jeune antifasciste Clément Méric : le gouvernement enclenche une procédure de dissolution contre Troisième Voie, dont des militants étaient responsables de la mort de notre camarade, mais également contre d’autres mouvements comme l’Œuvre française ou le groupuscule Jeunesses nationalistes d’Alexandre Gabriac, qui n’étaient pas impliqués.

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Pourtant, à plusieurs occasions, les Identitaires se sont distingués par leur violence et la radicalité de leurs propos. Prenons juste l’exemple de leur campagne « anti-racaille » en mai 2014 : quand Génération Identitaire patrouille dans les métros de Lille, Paris et Lyon, en bande, en portant un coupe-vent jaune siglé aux couleurs de la campagne, pour « sécuriser » les métros, on a là un bel exemple de ce qu’on peut appeler une milice ou une bande organisée. Curieusement, ils patrouilleront ainsi à plusieurs reprises dans ces métros, souvent devant les caméras de journalistes, sans que jamais cela ne dérange l’Etat.
Quand, en 2018, les Identitaires traquent des migrants dans les Alpes en se faisant parfois passer pour des policiers, Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, avait qualifié l’opération de « gesticulations » et renvoyé dos à dos militants d’extrême droite et antifascistes, la « mission » identitaire intervenant fort opportunément au moment du vote de la loi asile et immigration. Il est vrai que Collomb avait des liens personnels avec le porte-parole de Génération identitaire

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Aussi, cette annonce de dissolution ressemble plus à une opération de com’ de la part du gouvernement Macron, qui veut montrer les muscles à un an des élections en tapant un peu sur tout ce qui bouge. D’autant qu’il serait étonnant que les Identitaires soient dissous pour leur opération de janvier 2021 dans les Pyrénées, alors que peu de temps auparavant la justice les avait relaxés pour la même action réalisée en 2018 dans les Alpes.
Ajoutons également qu’une dissolution des Identitaires ne servirait à rien. Les différents groupes appartenant à Génération Identitaire fonctionnent en totale autonomie les uns des autres et ont tous préparé des structures de replis pour faire face à une telle décision. Une dissolution ne ferait que redynamiser le mouvement en lui donnant à peu de frais une image de martyr et de rebelle.

La Horde (en collaboration avec le site REFLEXes qui nous a permis d’utiliser quelques-unes de ses archives)

Notes

[1Livre publié aux éditions Idées, la maison d’édition des Identitaires. En août 2013 ils rééditeront Pour une critique positive, que l’on attribue généralement à Dominique Venner. Ce texte est toujours considéré dans les différents groupes de l’extrême droite radicale activiste comme un texte de référence.

[2Le marketing et la communication sont deux domaines dans lesquels de nombreux militants et militantes identitaires ont suivi des études.

[3Les Identitaires vont jeter un voile pudique sur bon nombre de thématiques comme le social, l’économie, l’éducation… Même sur la question religieuse, le groupe va opérer (du moins officiellement) un virage à 180°, en passant d’un antichristianisme virulent doublé d’une appartenance revendiquée au paganisme, à une position de stricte neutralité sur cette question.