Terrorisme d’extrême-droiteBelgique : perquisitions contre des militants d’extrême droite qui préparaient un attentat terroriste

Lu sur Stuut.info :

Mercredi 28 septembre au matin, une dizaine de perquisitions ont été menées dans la province d’Anvers contre un groupe d’extrême droite qui préparait un attentat terroriste.

Lors d’une d’elles, un échange de tir a éclaté avec la police faisant un mort parmi le groupe d’extrême droite. Une très grosse quantité d’armes et munitions ont été saisies, parmi celles-ci certaines étaient légalement enregistrées. [1]

Six suspects du groupe ont été arrêtés. Yannick V., l’homme mort durant la fusillade avec les forces spéciales de la police fédérale, était proche – selon les informations qui nous sont accessibles – de la sphère du survivalisme et militait activement sur les réseaux sociaux pour relayer des théories d’extrême-droite. Il recommandait de préparer l’effondrement de la société en faisant des réserves d’armes et de nourriture. Il aurait été membre de la mouvance des « Citoyens Souverains ». [2]

Le juge d’instruction en charge de l’affaire a commenté : « Lors de la perquisition du domicile de la personne décédée, plus d’une centaine d’armes, […] ainsi qu’une très grande quantité de munitions, des gilets tactiques, des lunettes de vision nocturne, des lunettes de vision thermique […] ont également été trouvés. » Il a également indiqué que « Le groupe de personnes visé est soupçonné de vouloir mener une forme de résistance armée contre le gouvernement sans avoir déjà déterminé une cible concrète ou une date de passage à l’acte. » [3]

Yannick V était « collectionneur d’arme » et pratiquait le tir sportif. Il n’hésitait pas à justifier sa possession d’une presque armurerie comme une « obligation morale ». Il déclarait également « Après tout, un homme libre, un homme souverain, prend soin de lui-même et ne compte pas sur un autre pour protéger ce qui lui est le plus cher ». Il aurait été membre d’une branche belge du mouvement conspirationniste « Citoyens Souverains ». Historiquement c’est une mouvance politique conspirationniste venue des Etats-Unis dans les années 60-70 – basée sur l’interprétation de « pseudo-lois » – qui trouvent ses racines dans l’extrême droite américaine, suprémaciste et antisémite.

Cette mouvance va inspirer plusieurs milices armées aux Etats-Unis. Un principe cardinal des « Citoyens Souverains » est de nier la légitimité des lois de l’Etat et de considérer l’individu.e comme seul.e interprète de sa « loi ». Iels vivent alors selon des « pseudos-lois », trafiquées ou inventées souvent inspirées de la « common law » [4]. Même si par exemple le refus de l’impôt est commun chez les « C-S » [5], ça n’en fait pas un mouvement homogène, leur objectif néanmoins partagé est de s’extirper de la société et de retrouver leur « souveraineté ».

Ainsi aujourd’hui en Allemagne, des groupes fascistes se réclament être « Citoyen du reich ». Iels pensent que la république allemande est une fiction et qu’iels vivent encore sous le régime nazi. En France, iels se rangent derrière le nom « One-Nation ». Conspirationnistes notoires – inspiré.es de la mouvance QAnon des USA – iels croient par ailleurs à une sorte de complot pédocriminel des élites [6]. Le groupe « One Nation » avait organisé un kidnapping d’une enfant en 2021, ce qui les avait rendu tristement connu de la société civile.

« One Nation » a également une branche active en Belgique. Les belges se revendiquant « C-S » semblent surtout s’être manifesté.es durant le covid, soit par leurs théories complotistes sur la crise sanitaire en elle-même, ou bien par des envois de lettres à des bourgmestres afin de leur signaler qu’iels ne répondraient plus à l’autorité de l’état afin de « […]reprendre l’autonomie et la pleine autorité sur moi-même » [7], dans leurs textes envoyés aux bourgmestres ils utilisent des lois européennes ou encore des droits de l’humain de manière frauduleuse, en comparant le vaccin à de la « torture mentale » par exemple.

Globalement, les « Citoyens Souverains » semblent aller des simples conspirationnistes qui tentent de nier certaines lois ou réalité sur des bases juridiques frauduleuses, aux milices armées aux USA. Nous n’avons pas d’information confirmant ou infirmant que Yannick V aurait été relié à la branche belge de groupe « One Nation » en particulier. La réalité de ce mouvement conspirationniste aux Etats-Unis n’est absolument pas la même qu’en Europe, ou en Belgique où ceux-ci sont moins important par exemple.

Néanmoins ceci ne doit pas nous « rassurer », malgré que la mouvance belge des « Citoyens Souverains » semble marginale et assez minoritaire en Belgique, il y a un glissement capital à noter : parmi ces quelques groupes fascistes aussi « isolés » qu’ils puissent sembler être, certains se préparent à la lutte armée et projettent des attentats. A savoir que beaucoup d’autres groupes fascistes s’organisent en Flandre et Wallonie, nous redirigeons vers l’excellent travail du Front Antifasciste Liège durant les manifs anti-Covid-Safe-Ticket de janvier 2022 qui dresse un bon portrait [8].

Le rapport d’activité de la Sûreté de l’état de 2020 signalait « […] la tendance au sein de l’extrême droite à s’armer et à rejoindre des clubs de tir […]. Elle s’inscrit dans le cadre de la préparation d’une guerre civile ou guerre raciale que l’extrême droite considère comme inévitable. Certains groupes organisent même des formations au maniement des armes pour leurs membres. » Elle notait également la participation en Europe de l’Est en 2019, d’une vingtaine de fascistes belges à des formations militaires. [9]

Ces différents éléments nous confortent dans le fait qu’il y a une réelle tendance à la militarisation des groupes fascistes et d’extrême droite en Belgique. Pendant que les militant.es proprement fascistes se préparent à une guerre raciale contre les minorités racisées et religieuses, un processus de fascisation cette fois au niveau institutionnel et politique avance lui aussi. Le Vlaams-Belang et la N-VA constituent les plus grands partis de Belgique. Les partis traditionnels belges comme le MR, cèdent eux-aussi du terrain au fascisme à travers sa nouvelle génération de cadre : Georges Louis-Bouchez et compagnie.

Ceux-ci parlent volontier, de « wokisme » et autres concepts d’extrême droite (comme celui d’ »islamogauchisme »). Ils participent à la légitimation des forces fascistes en usant de leurs concepts, en discutant avec eux sur des plateaux télés, en somme en considérant leur projet réactionnaire comme entendable et discutable. Il faut donc articuler à la fois une lutte contre un processus de fascisation institutionnelle et une lutte, cette fois, « dans la rue » contre le développement et l’implantation de nouveaux groupes fascistes notamment via au terreau que peut constituer les milieux conspirationnistes pour l’extrême-droite, cette lutte-ci doit donc aussi reposer sur de l’éducation populaire.

Source: Perquisitions contre des militants d’extrême droite qui préparaient un attentat terroriste