Mémoire9 Novembre 2023 : commémoration de la "Nuit de Cristal"

Memorial 98, avec ses partenaires et soutiens, organise pour la 10e année consécutive, un rassemblement en mémoire des victimes de la « Nuit de Cristal », pogrom d’État commis par les nazis le 9 novembre 1938, contre les Juifs d’Allemagne, d’Autriche et des Sudètes et vous invite à y participer. Rendez-vous demain jeudi 9 novembre à 18 H 30 devant le gymnase Japy (2 rue Japy 75011, métro Voltaire ou Charonne).

Le gymnase Japy est un lieu particulier de mémoire puisque c’est là que furent parqués les Juifs raflés par la police de Vichy dès 1941, avant d’être déportés vers les camps d’extermination nazis.
Nous allumerons des bougies du souvenir, avant des prises de parole qui rappelleront que la mémoire des génocides nourrit nos combats actuels contre le racisme et le fascisme.
En plein cataclysme en Israël et Palestine et alors que les actes antisémites et racistes connaissent une augmentation vertigineuse en France et dans toute l’Europe, nous nous rassemblons afin de commémorer la Nuit de Cristal nazie qui annonçait la Shoah.

Tags antisémites dans différents quartiers de Strasbourg 2 novembre 2023.

Ce rassemblement est notamment soutenu par nos partenaires du collectif VAN (Vigilance Arménienne contre le Négationnisme) alors que les Arméniens du Haut-Karabah viennent de subir de la part de l’Azerbaïdjan une épuration ethnique et une expulsion de leur territoire historique.
D’autres partenaires et soutien de ce rassemblement sont l’association Ibuka qui regroupe les rescapés du génocide des Tutsis au Rwanda ainsi que le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les racismes, ainsi que le MRAP.

Memorial 98

La Nuit de Cristal : une étape majeure de la persécution des Juifs

Le terme même de "Nuit de Cristal" est un euphémisme inventé par les nazis en référence. En Allemagne on utilise le terme "November pogrom" ou même " November Reich’s pogrom" pour bien marquer que les violences étaient organisées par les nazis au pouvoir, comme indiqué ci-après. Contrairement à la propagande du régime, il ne s’agissait absolument pas d’une "réaction populaire"
Lors de cette vague de violences entièrement organisée par les nazis, plusieurs centaines de personnes juives furent tuées et plusieurs centaines d’autres se suicidèrent. A Berlin et Vienne uniquement, 400 morts par suicides furent dénombrés.
Le chiffre total des victimes juives se monta à plus de 2500.
Vingt-six mille personnes furent arrêtées et pour certaines jetées dans des camps de concentration. Deux cent soixante-quinze synagogues furent brûlées ou détruites ( voir ici le déroulement organisé par les nazis).

Magasin juif vandalisé, portant l’inscription "Juda (Juif) crève !"

Dans la montée du nazisme et du fascisme en Europe, la Nuit de Cristal a représenté un jalon important. Les nazis, au pouvoir depuis 1933, franchissaient une nouvelle étape avec cette vague de violences antisémites commises au vu et au su de toute l’Europe. Les images des synagogues incendiées, des enfants, des femmes et des hommes assassinés, arrêtés en masse, frappés et humiliés en public ne pouvaient pas être ignorées.
Pourtant, en France les informations venues d’Allemagne ne changèrent pas la situation ; ni à la politique de refoulement des Juifs qui tentaient de fuir l’Allemagne, ni à la politique de laissez faire face à Hitler. La France fut ainsi la seule grande démocratie à ne pas avoir dénoncé officiellement les massacres perpétrés dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938.
Ainsi s’annonçait déjà la participation active du régime de Vichy à la déportation des Juifs de France et à la Shoah. Moins de deux ans après la Nuit de Cristal, Pétain édictait le statut d’exclusion des Juifs et s’inscrivait dans la galaxie nazie.
Les nazis guettaient une occasion pour lancer une étape supplémentaire de ce qui deviendrait, selon leur terminologie, la « solution finale du problème juif en Europe ».
Le premier acte en sera un vaste pogrom organisé dans tous les territoires sous domination allemande, destiné à terroriser les populations juives et à les forcer à émigrer.
L’attentat à Paris contre le conseiller d’ambassade allemand Vom Rath leur offrit un prétexte idéal.
Herschel Grynzspan était un jeune Juif polonais qui, le 7 novembre 1938, dans un geste de protestation contre le sort des Juifs en Allemagne et l’expulsion de milliers d’entre eux vers la Pologne, avait abattu à Paris le conseiller d’ambassade Vom Rath.
Hitler prépare alors une mise en scène destinée à démontrer que les Allemands du Grand Reich sont menacés par les Juifs. Le quotidien officiel du parti nazi, le "Völkischer Beobatcher", dirigé par Goebbels, écrit ainsi le 8 novembre, alors que Vom Rath est encore vivant :
"… Il est clair que le peuple allemand tirera les conclusions de cette nouvelle action. On ne peut plus tolérer que des centaines de Juifs règnent encore à l’intérieur de nos frontières sur des rues entières de magasins, qu’ils peuplent nos lieux de distractions, que des propriétaires étrangers empochent l’argent des locataires allemands tandis que leurs frères de race incitent au-dehors à la guerre contre l’Allemagne et tuent des fonctionnaires allemands"
Parallèlement, dès le 8 novembre, les nazis prennent la précaution de confisquer chez les Juifs tout objet que ceux-ci pourraient utiliser pour se défendre.
Lorsque Vom Rath décède, le 9 novembre, l’organisation de la terreur est en place.
Au moment où la nouvelle parvient à Hitler, ce dernier se trouve à Munich, avec la « vieille garde » des Sections d’assaut du parti nazi (SA). Ils sont réunis comme chaque année pour commémorer la tentative de putsch nazi de 1923 qui a également eu lieu le 9 novembre.
Hitler quitte l’assemblée sans prononcer de discours et déclare :
"Il faut laisser le champ libre aux SA (Sections d’Assaut)"
C’est Goebbels, ministre de la Propagande, qui se charge d’annoncer publiquement le décès de Vom Rath devant l’assemblée des SA, et également d’inciter au pogrom.
Les principaux chefs nazis quittent ensuite la réunion et téléphonent des instructions à leurs sections régionales.
Pour les troupes nazies, il s’agit d’abord d’incendier les synagogues, sans laisser les pompiers intervenir, de détruire les magasins juifs et d’y apposer des pancartes "Mort à la juiverie internationale", ainsi que de tuer sur place les Juifs trouvés en possession d’une arme.
Dans le même temps, un message secret est diffusé depuis la direction de la Gestapo (police secrète d’Etat) de Berlin.
Pour la Gestapo, il s’agit d’incendier les synagogues, mais d’empêcher les pillages, de mettre en lieu sûr les archives trouvées dans les synagogues, de préparer l’arrestation de 20 à 30 000 Juifs parmi les plus fortunés, de traiter avec une « extrême rigueur » les Juifs trouvés avec des armes.
Dans son Journal, Goebbels confirme qu’il présente un rapport sur la situation à Hitler ; ce dernier décide de laisser les manifestations se poursuivre et donc de faire retirer la police.
Goebbels commente : « Les Juifs doivent sentir pour une fois la colère du peuple. »
Il décrit ensuite précisément son action, motive les indécis. Il est ovationné par les dirigeants du parti. Tous se précipitent sur leurs téléphones. Le bataillon des SA « Hitler » part attaquer les Juifs de Munich.
Selon les directives de Goebbels, la seule réserve est de ne pas apparaître en tant qu’organisation officielle. La fiction de la « réaction populaire » doit être maintenue.
Aussi, les SA et les SS s’habillent en civil et passent à l’acte dès 1 heure de matin.
Du nord au sud de l’Allemagne, incluant l’Autriche et Sudètes annexées, synagogues, maisons communautaires, asiles de vieillards, hôpitaux juifs, maisons d’enfants, logements privés et magasins juifs subissent l’assaut.
Les synagogues sont pillées, saccagées, détruites, incendiées, sans que les pompiers n’interviennent, se contentant d’empêcher la propagation des incendies aux maisons alentour. Des groupes de SA attaquent les magasins juifs qui sont facilement reconnaissables, depuis qu’une ordonnance nazie a exigé que le nom du propriétaire soit peint sur la vitrine en grandes lettres.

MEMORIAL 98